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I hunt killers
Barry Lyga
Éditions du Masque, MSK, traduit de l’anglais (États-Unis), policier, 336 pages, mars 2013, 16,50€

Jasper « Jazz » Dent n’est pas un adolescent comme les autres. En effet, son père, William Dent, alias Billy, alias l’Artiste, alias Green Jack, n’est autre qu’un des plus fameux tueurs en série que les États-Unis, qui pourtant n’en manquent pas, soient parvenus à générer. Bien plus de cent victimes au compteur. Pour finir, Billy a été arrêté par Tanner, le flic du coin, et Jasper confié à la charge de sa grand-mère. Mais les choses ne sont pas terminées pour autant. Car Billy, avant d’être arrêté, a appris bien des trucs à son fils, considérant qu’il allait suivre la même voie que lui. Et le jeune Jasper, même s’il est horrifié par tout ce qu’a pu faire son géniteur, a bien du mal à ne pas considérer les êtres humains comme des proies.



On le devine en lisant l’entame ci-dessus : on est d’emblée à la limite du morbide, et force est de reconnaître que l’auteur n’a pas hésité à prendre des risques en s’attaquant à un tel sujet. Mauvais goût, attrait pour le glauque, ou véritable projet littéraire ? Il est licite, en découvrant la thématique générale, de se poser la question.

On le sait : depuis le succès cinématographique du « Silence des agneaux », réalisé en 1991 par Jonathan Demme, avec son terrifiant Hannibal Lecter campé par Anthony Hopkins, le serial killer est devenu durablement vendeur. Depuis lors, décliné à toutes les sauces, il n’en finit pas d’écumer films et livres, en variantes sans fin. Si, dans ce contexte, certains pourront juger la démarche de Barry Lyga assez opportuniste, on ne peut nier qu’il aborde le thème d’une manière passablement originale.

Le premier tiers du livre est en effet assez limite. Fasciné par le crime, persuadé que celui sur lequel enquête Tanner n’est que le premier d’une longue série, Jasper “Jazz” Dent, en compagnie de Howie, son ami de toujours et grand hémophile, au sens clinique du terme, n’hésite pas à doubler cette enquête – et au diable la légalité. Si l’on a l’habitude de voir les adolescents s’introduire nuitamment dans des lieux clos tels qu’écoles, musées ou autres bâtiments publics, on doit bien avouer qu’on ne les avait pas vus se glisser dans une morgue pour s’y livrer eux-mêmes à des expertises médico-légales. Et les états d’âme de Jasper, qui se demande s’il faut considérer les êtres humains, vivants ou morts, autrement que comme de simples objets ne vont pas, en nous faisant pénétrer dans l’esprit d’un tueur en puissance, sans générer un véritable effroi.

La seconde partie nous montre donc qui est le vrai Jazz Dent : un avatar de Dr Jekyll et Mister Hyde écartelé entre une hérédité indéniable et une humanité profonde, une sorte d’individu prêt à basculer vers le monstre froid, mais en réalité pourvu d’empathie. Un adolescent dont on devine qu’il n’est pas prêt d’en avoir fini avec ses démons. Mais, avec l’aide et le soutien de Howie, du flic Tanner, et de sa petite amie, il se range du bon côté et déploie au fil de l’enquête en cours une acuité singulière, usant de sa psychologie limite de serial killer pour comprendre celui qui, en liberté, continue à tuer et à assassiner dans la petite ville de Lobo’s Nod.

On est, on le voit, en terrain balisé : seul un serial killer, confirmé ou potentiel, peut se glisser dans la peau du tueur. Tel était le thème principal du « Silence des Agneaux », tel est celui de «  I Hunt Killers ». Mais, alors que la seconde partie du roman apparaissait à la fois convaincante et originale, l’hommage devient un peu trop appuyé : lorsque le jeune Jasper va voir son père en prison pour lui demander son aide, on croit arriver à l’intersection trouble entre hommage, plagiat et caricature, d’autant plus que les tatouages de lettres sur les phalanges de Billy ne sont pas sans évoquer certaine scène célèbre de « La Nuit du chasseur ». Et pourtant, si elle arrive en rupture avec la seconde partie, cette scène, qui reprend assez habilement les aspects manipulateurs du personnage, parvient à créer un malaise certain. Et, surtout, elle introduit sans que l’on puisse en avoir la prescience une fin terrible et glaçante qui n’est pas loin des grandes réussites du genre.

On le devine : ce roman n’est pas tout à fait destiné à la prime jeunesse. S’il a été publié dans la collection MSK destinée « aux ados, grands ou petits », si Lyga est considéré dans son pays comme un auteur pour adolescents, force est d’admettre qu’un tel ouvrage, dont les personnages principaux sont effectivement des adolescents eux-mêmes, trouvera tout autant son public chez les adultes, et ne déparerait en rien dans une mythique “série noire”. Un roman de serial killers à la fois effrayant et astucieux que l’on n’oublie pas sitôt le livre refermé, et un bon argument pour lire « Game », le second roman consacré à Jasper “Jazz” Dent, dès à présent traduit en français, et dont nous vous parlerons prochainement sur la Yozone.


Titre : I hunt killers (I hunt killers , 2012)
Auteur : Barry Lyga
Traduction de l’anglais (États-unis) : Marie Cambolieu
Couverture : Sara Baumgartner / Alison Impey
Éditeur : Le Masque)
Collection : MSK
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 336
Format (en cm) :15 x 21,5
Dépôt légal : mars 2013
ISBN : 978-2-7024-3693-6
Prix : 15,50 €



Hilaire Alrune
3 février 2014


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