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Keleana l’Assassineuse
Sarah J. Maas
La Martinière, Fiction J., roman traduit de l’anglais (USA), fantasy sexy, 506 pages, septembre 2013, 16€

Keleana, 18 ans, était la plus grande assassineuse d’Adarlan. Arrêté, elle a fini au bagne, a travaillé dans une mine de sel. C’est de là que le Prince Dorian et le capitaine Chaol, deux beaux jeunes hommes, viennent la tirer. Le roi organise un tournoi pour désigner son Champion (terme délicat pour désigner son homme à tout faire secret), et Dorian veut que la jeune tueuse soit sa candidate. Même si cet avenir la dégoûte, Keleana le préfère à la mort lente en prison.
A Rifthold, dans le château de verre, Keleana retrouve ses forces tandis qu’entre deux épreuves du tournoi, le prince la fait passer pour une dame de la cour et une amie proche, au grand dam de certaines de ses prétendantes.



Le roman de Sarah J. Maas est ce que je pourrais appeler de la fantasy pour filles. N’y voyez aucun sexisme ni la moindre dévalorisation, mais au-delà du fait que les romans avec des héros sont pour les garçons et avec des héroïnes pour les filles, nous avons affaire ici à une « vraie fille », et cela de façon presque paradoxale, surtout dans cet univers et ces circonstances. Je m’explique :

Keleana sort affaiblie du bagne, après avoir conclu un pacte avec le fils du roi qu’elle hait, qui la fait arrêter et jeter là, en plus d’oppresser les peuples des pays qu’il conquiert. Soit elle remporte le tournoi, et elle devra lui obéir durant 4 ans et exécuter sans mot dire ses basses œuvres, soit elle retourne à la mine. Elle n’a d’autre choix que de reprendre des forces en acceptant l’hospitalité du prince, s’entraîner durement, accepter les remontrances du capitaine et obéir à son conseil de ne pas révéler ses forces avant la fin du tournoi. Les participants, soldats ou repris de justice, lui inspirent peu de sentiments, sauf Nox, un voleur sympathique, et Cain, un géant fier et violent qu’elle déteste immédiatement. Il est le candidat du duc Perrington, le fidèle et sournois conseiller du roi, et favori du tournoi. D’autant plus favori qu’il semble gagner en forces chaque jour passant, et cela tandis que les concurrents sont éliminés. Enfin, pas tous : d’autres sont retrouvés cruellement assassinés dans les couloirs ! Une force maléfique rôderait, ainsi que le découvre la jeune fille. Une force qu’elle va devoir contrer, aidée par une magie ancienne et le fantôme de la première reine d’Adarlan.
Voilà pour la partie « fantasy pour tous ».

Mais voilà, entre les épreuves, Keleana met de très belles robes, prend des bains, se promène (sous bonne garde) dans les jardins, où elle se lie d’amitié avec Nehemia, une princesse étrangère dont le statut de représentante de son peuple pourrait vite passer à celui d’otage, et s’attire les foudres de Kaltain, une ambitieuse qui se voit déjà avec la couronne sur la tête, et est prête à tout pour atteindre le trône.

Et puis il y a les hommes. Dorian d’abord : le prince est très beau, mais c’est le prince, elle hait la famille régnante, et en plus il paraît qu’il couche avec toutes les jeunes femmes de la cour, et puis il prend soin d’elle, il lui fait des cadeaux, des visites surprises... et puis il est trop beau, mais c’est le prince... etc.

L’autre, c’est Chaol, le capitaine et compagnon du prince. Moins beau, mais avec du charme. Il ne la supporte pas, elle est son antithèse, il refuse de lui faire confiance, elle n’est qu’une tueuse à ses yeux, il la rabroue sans cesse... mais il est toujours là pour elle, ses conseils lui sauvent la vie, il lui apporte des cadeaux... et malgré tout, et même si elle ne le voit pas et si lui ne veut pas le réaliser, il est peut-être tombé amoureux... à en être jaloux de Dorian...

Bref, entre deux épreuves mortelles et une exploration du château à la recherche d’une bête magique tueuse, ça minaude, ça drague l’air de rien en s’envoyant des réparties cinglantes typiques du « je t’aime, moi non plus », et que je t’amène un petit cadeau l’air de ne pas y toucher, et que je débarque au bal où-j’avais-pas-le-droit-de-venir dans une superbe robe, et que je danse avec toi mais pour regarder l’autre...

Le tout produit une sorte de rythme haché, cadencé par les épreuves, dont certaines sont évacuées en un paragraphe tandis que d’autres occupent un chapitre complet. Difficile de trouver une unité temporelle à tout cela. L’histoire se déroule sur plusieurs mois, mais les rares indices calendaires (saisons, fêtes) ne sont pas forcément d’un grand secours. L’action (combat comme séduction) est largement privilégiée, et on s’en contente largement puisqu’elle est menée tambour battant.

Bref, « Keleana l’assassineuse », malgré de bons éléments de fantasy très classiques (tant la trame générale que les personnages secondaires), une petite dimension horreur bienvenue, fait très roman sentimental. Mais c’est bien écrit, et on rira à ces jeux adulescents de séduction, qui touchent souvent juste.
On sera donc peu surpris de ne voir Keleana assassiner personne dans ce volume. Si la couverture pouvait le laisser envisager, jetez un coup d’œil à la 4e : estompée, derrière le résumé, la même silhouette, de dos cette fois, en robe de bal, mêmes épées en main. Presque plus révélateur...

La principale surprise de cette histoire viendra de son cadre : on ignore presque tout du passé de Keleana, son maître ne déboule pas pour la sauver, et l’histoire s’arrête juste après la fin du tournoi. En postface, l’auteure parle de 10 ans de travail avant la publication de « Keleana ». Comme dit le proverbe, elle a maintenant 6 mois pour nous apporter la suite : la fin est évidemment assez ouverte pour raconter les 4 ans de service de la Championne, et son passé pourra revenir croiser son chemin. Enfin, on verra, mais le contraire serait étonnant.

D’autant qu’en guise de promo, une nouvelle de 100 pages est diffusée gratuitement en format électronique : Keleana et le seigneur pirate : un bout de son passé, justement. Promo au passage assez peu visible, puisque le texte est absent des plateformes d’ebooks de fantasy (notamment emaginaire ou ebook-fantasy), et même pas annoncé via le facebook de l’éditeur !, un comble !

Un petit couac final qui change un peu ma vision du livre : d’une histoire prometteuse en 500 pages, Keleana « n’est plus que » une grosse introduction pour une série à venir. Certes, on est toujours heureux de retrouver nos héros, mais j’ai toujours un petit rejet épidermique pour les livres qui n’affiche pas « tome 1 » franchement et dont la fin vous laisse, un peu ou beaucoup, sur votre faim (comme « Le Boucher » d’Olivier Gay, récemment, dont j’attends impatiemment la suite.)

Un roman très agréable à lire donc, qui ravira en priorité des adolescentes, comblera les bibliovores de 15-17 ans, mais risque de décevoir les lecteurs plus chevronnés et exigeants, à qui je conseillerai, dans le registre toujours un peu girly, mais avec un peu plus de fond et de maturité, la trilogie « Princesse mais pas trop ».


Titre : Keleana l’Assassineuse (Throne of glass, 2012)
Série : Keleana, tome 1 (visiblement)
Auteur : Sarah J. Maas
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Anne-Judith Descombey
Couverture : Talexi
Éditeur : La Martinière
Collection : Fiction J.
Pages : 506
Format (en cm) : 14,5 x 21,5 x 3,3
Dépôt légal : septembre 2013
ISBN : 9782732456034
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
4 septembre 2013


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