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Judas déchaîné
Peter F. Hamilton
Milady, roman traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), space-opera, novembre 2009, 754 pages, 9€

Essentiellement connu pour son monumental opus intitulé « L’Aube de la Nuit », Peter F. Hamilton est également l’auteur de deux trilogies, l’une consacrée à l’enquêteur Greg Mandel, l’autre – la Trilogie du Vide – se déroulant dans le vaste univers futur du Commonwealth.
Faisant suite à « Pandore abusée » et « Pandore menacée », « Judas déchaîné » poursuit la tétralogie de l’Etoile de Pandore, qui se déroule dans ce même Commonwealth, à travers six cents mondes et un peu plus de deux mille neuf cents pages.



Il serait impossible d’aborder ce troisième tome sans avoir succinctement résumé les deux premiers volets, riches d’un total de plus de mille trois cents pages. Alors que l’humanité des années 2380, grâce à la technologie des trous de ver, a conquis plus de six cents planètes, un astronome découvre aux tréfonds de l’espace un artefact titanesque constitué de sphères gigantesques englobant des étoiles. Hélas, à l’arrivée d’une expédition d’exploration, l’une de ces sphères, qui n’existait manifestement que pour contenir une espèce extra-terrestre particulièrement belliqueuse, disparaît. Aussitôt, les Primiens attaquent. L’astronome Dudley Bose est capturé, tué, sa personnalité et ses souvenirs captés par l’ennemi, qui s’approprie sans tarder la technologie des trous de ver et lance une vaste offensive contre l’humanité.

Dans le même temps, une vieille théorie en apparence délirante, développée par un groupuscule nommé Gardiens de l’Individualité, et supposant que l’humanité est peu à peu minée par l’Arpenteur – un extra-terrestre que nul n’a jamais vu, mais dont on a retrouvé le vaisseau échoué sur la planète Far Away – prend peu à peu forme : des arguments troublants, souvent indirects, peu à peu convainquent Paula Myo – enquêtrice traquant depuis des décennies un trafiquant d’armes à la solde des Gardiens – de l’existence de ce fameux Arpenteur. S’entrecroisent avec ces intrigues principales toute une série d’intrigues et d’enquêtes secondaires, que nous avons partiellement abordées dans les chroniques des deux précédents volumes.

« Judas déchaîné » enchaîne donc sur ces péripéties, développe ces intrigues, résout quelques énigmes, et surtout ne manque pas d’en inventer d’autres. Guérilla visant à ralentir l’ennemi sur les planètes envahies, échauffourées stellaires, étrange destin de l’astronome Dudley Bose réincarné en entité primienne, contacts entre une journaliste d’investigation couplée à une intelligence artificielle et les Gardiens de l’Individualité, rivalités entre les grandes familles pour la construction de la flotte de combat, développement des options stratégiques au plus haut niveau, duplicités et trahisons, découverte au sein de l’humanité d’un nombre croissant d’agents de l’Arpenteur – jusque dans les grandes familles, jusque dans l’entourage proche de Paula Myo, jusqu’au sein des membres de l’expédition inaugurale en direction des sphères de Dyson.

Tout ceci s’emmêle en schémas secondaires d’une complexité sans cesse croissante. De cet entrelacs nait toute une série de questions. Pourquoi donc l’Unisphère est-elle bombardée de messages semblant émaner des Gardiens de l’Individualité, mais avec lesquels ces derniers n’ont absolument rien à voir ? À qui servent donc ces machines que les Gardiens tentent d’acheminer sur Far Away, des mécanismes incompréhensibles mais qui requièrent des sources d’énergie indisponibles sur cette planète ? Comment se fait-il que la conception des arches stellaires à la construction desquelles est invité à travailler l’ingénieur Mark Vernon, et secrètement élaborées par la dynastie des Sheldon pour s’enfuir en cas de défaite, remonte à bien avant les premiers contacts avec les Primiens ? Pourquoi les Gardiens de l’Individualité se sont-ils donnés tant de mal pour faire transiter par un de leurs messagers des données qui ne se révéleront être rien d’autre que des relevés météorologiques de la planète Mars ?

Ce sont là quelques-unes des questions qui, parmi bien d’autres, maintiennent l’attention du lecteur jusqu’à un finale explosif sur la magnifique planète illuminatus – paysages somptueux, peuplés d’organismes bioluminescents – mais que bien peu auront le temps d’admirer : car sur les traces d’Elisabeth Halgarth, une aristocrate soupçonnée d’être à la solde de l’Arpenteur, convergent la plupart des protagonistes-clefs du volume : Paula Myo l’enquêtrice, ses plus fidèles associés, la Marine, la journaliste aux étranges pouvoirs Mellanie Rescoraï, les Gardiens de l’Individualité eux-mêmes, et les mystérieux assassins dotés de technologies militaires qui, au cours des volumes précédents, s’étaient déjà invités dans le duel entre Paula Myo et ses proies.

Avec « Judas déchaîné », nous avons donc affaire à un volume qui tient ses promesses. Même si la place accordée à l’étrange aventure d’Ozzie Fernandez Isaacs, inventeur de la technologie des trous de ver – toujours accompagné par un adolescent et un extra-terrestre nommé le Tochee sur les étranges chemins des Silfens – est ici réduite, les intrigues de deux premiers tomes se développent et convergent harmonieusement. Fidèle à ses habitudes, Peter F. Hamilton excelle à décrire en quelques paragraphes une profusion de paysages naturels ou urbains, à instaurer en quelques lignes des scènes vivantes, à générer des ambiances à chaque fois différentes. Et son goût pour les constructions titanesques ne se dément pas ici, que ce soit pour les constructions humaines, comme le générateur d’énergie long de vingt-cinq kilomètres animé par le vent solaire en orbite autour de Half Way ou les artefacts d’entités extra-terrestres disparues, comme ces fleurs d’une hauteur de huit cents mètres et d’un diamètre de dizaines de kilomètres, “résultant d’une fusion entre des processus biologiques et la mécanique moléculaire”, qui tapissent des planètes entières sans que nul n’en comprenne ni le mécanisme précis, ni la raison d’être.

On pourrait, en conclusion, reprendre les éléments sur lesquels nous avions terminé notre chronique du second volume. Car les qualités des deux tomes précédents – trame démesurée du Commonwealth, foisonnement des mondes et des personnages, entrelacs des intrigues, capacité à planter des décors sans cesse nouveaux, générosité de l’écriture – se retrouvent inchangées à travers ce troisième volet. De même, la lente révélation de l’existence de l’Arpenteur se poursuit avec une précision de machinerie parfaitement huilée qui laisse entendre que Peter F. Hamilton ne s’est pas contenté d’accumuler les chapitres les uns après les autres, mais avait parfaitement planifié la structure feuilletonesque de sa narration qui, au final, devrait n’être rien d’autre qu’un immense roman. Une fois encore, mais à présent au terme de plus de deux mille pages, un récit riche et prenant qui donne envie, pour en savoir plus, de se plonger dans la quatrième et dernier volume de la tétralogie de Pandore.


Titre : Judas déchaîné (Judas Unchained, 2005)
Auteur : Peter F. Hamilton
Série : l’Étoile de Pandore, tome 3 : Judas déchaîné
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Nenad Savic
Couverture : Manchu
Éditeur : Milady (édition originale : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 754
Format (en cm) : 11 x 17,9 x 3,9
Dépôt légal : novembre 2009
ISBN : 978-2-8112-0111-1
Prix : 9 €


Peter F. Hamilton sur la Yozone :
La critique du premier volume, Pandore Abusée
La critique du second volume, Pandore Menacée
La critique du premier volume de la trilogie Greg Mandel
La critique du troisième volume de la trilogie Greg Mandel
La critique du premier volume de la trilogie du vide
La critique du troisième volume de la trilogie du vide
La critique de « Manhattan à l’envers »


Hilaire Alrune
16 septembre 2013


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