En regardant de plus près ces oeuvres, ce sont les membres de sa famille qui y sont représentés : ses deux enfants, aussi fous que leur père, aimant dessiner des chats et des chiens en décomposition, sa femme qui tient l’auberge des enfers où elle sert les zombies décapités enterrés dans le cimetière derrière la maison. Mais il n’avait pas à aller vraiment très loin, car ses parents et ses grands-parents étaient tous un peu fous. Comme son grand-père, un yakuza dévoré par la passion du jeu, qui battait sa femme quand il perdait et qui finit tué par des parieurs jaloux, comme son père qui tomba dans les travers de son géniteur, buvant trop, qui partit en Mandchourie pour devenir riche et n’y ramena que mort et une démente...
Avec « Panorama de l’Enfer », Hideshi Hino continue d’étudier la folie chez l’être humain sous toutes ses formes. Après « L’Enfant Insecte » et « Serpent Rouge », il ne prend plus un enfant comme héros tragique mais un peintre totalement fou, peignant des toiles avec son propre sang. Ce dernier va nous présenter ses oeuvres, sa vision de l’enfer où y sont représentés les membres de sa famille.
Chacun de ces personnages possède sa propre perversion qui l’amènera au coeur de la folie. Certains le seront naturellement, comme ses enfants ou sa femme. D’autres le deviendront par la force des choses, comme son grand père ou sa propre mère. Mais les décès de ses parents seront violents, à l’image de leur existence. Tout cela semble si irréel. Comme cette maison au milieu de cet environnement de mort, qui va alimenter non seulement le peintre mais aussi sa femme et ses enfants. Hideshi Hino garde le lecteur dans une certaine perplexité : le peintre était-il mythomane ou déjà en enfer ? S’il dépeint si bien l’enfer, n’est-ce pas tout simplement parce qu’il y est déjà ?
Un thème va revenir au coeur de cette folie : la catastrophe d’Hiroshima. Le peintre serait un enfant de la radioactivité. Cet événement hantera encore pour longtemps les mangakas et sera source d’univers apocalyptiques ou de mondes horrifiques générés par les maladies venant des retombées radioactives. Ici, Hideshi Hino qualifie le champignon atomique de roi des enfers et c’est bien ce qu’il fut pour 140 000 personnes qui moururent le 6 août 1945, uniquement pour montrer la puissance de destruction des Etats-Unis aux Russes et convaincre les Japonais qu’ils pouvaient être réduits en cendres quand bon leur semblait. La dette à payer n’a toujours pas achevé de rembourser les intérêts.
Les dessins ne sont pas spécialement gore mais la perversion qu’ils représentent prend le lecteur aux tripes. C’est souvent plus la subjection que l’image qui provoque le dégoût, cette répulsion primale envers ce qui nous parait anormal, malsain. C’est le grand talent d’Hideshi Hino que de parvenir avec un dessin très cartoon, voire enfantin, à provoquer l’horreur par des mots et quelles images bien senties.
« Panorama de l’Enfer » est incontestablement un petit bijou d’horreur avec une fin telle que les amateurs aiment...
Panorama de l’Enfer
Auteur : Hideshi Hino
Traducteur : Satoko Fujimoto et Eric Cordier
Éditeur français : Imho
Format : 147 x 210, noir et blanc - sens de lecture original
Pagination : 192 pages
Date de parution : 15 novembre 2012
Numéro IBSN : 978-2-915517-87-3
Prix : 14 €
A lire sur la Yozone :
L’Enfant Insecte
Serpent Rouge
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