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Miroirs d’Ambre
Denis Labbé
Lokomodo, fantastique, nouvelles (France), 250 pages, novembre 2012, 8€

16 nouvelles de Denis Labbé, dont la moitié inédites, cela ne se refuse pas. L’occasion est belle de lire ces fragments étalés sur une quinzaine d’années, et de voir évoluer la plume fantastique de l’auteur. Oui, mais...



Car il y a un mais... Je pourrais subjectivement m’en tenir au fait que le fantastique horrifiant n’est pas, de loin, ma tasse de thé, il me faut développer : le genre repose souvent sur les mêmes ressorts, et plusieurs textes de ces « Miroirs d’Ambre » les font jaillir au visage comme un diable hors de sa boîte. Que ce soit “Le Banquet”, “Un peu de poussière sur tes lèvres”, “L’Enjôleuse joggeuse”, “Masquarade”, “Cereza”, “Encore un comprimé mon garçon” et, dans une moindre mesure, “l’Ardoise”, toutes relèvent d’un procédé identique : mise en place d’une situation, malaise latent du narrateur, lente et plus ou moins perceptible dégradation de la situation, choc de la révélation monstrueuse finale (l’élément fantastique ou horrifique).

Indépendamment, les textes sont bons, chacun aura sa petite préférence, mais lus à la suite, ils deviennent mécaniques, systémiques, et perdent une part de leur attrait au profit des autres nouvelles, plus variées en genres et en styles, qui s’insèrent entre elles et aèrent l’ensemble, assez étouffant de bizarreries horrifiantes.
Plastic Doll” évoque la relation d’une enfant à sa poupée... et c’est pire que vous ne pourrez jamais l’imaginer : peut-être le texte le plus dérangeant du recueil. À l’inverse, “Les giacomettis” est empreint d’une poésie épurée, à l’image des œuvres de l’artiste italien, dans une histoire d’invasion extra-terrestre « en douceur ».
La tour” est un hommage à Howard et Lovecraft : un chercheur se perd dans le dédale rectiligne et « magique » sous une vieille tour en pleine campagne. Signes cabalistiques et désorientation mentale au menu. Cependant, le texte, longuet, chiche en explications, peine à garder intéressé.

Trois des textes suivants m’ont par contre profondément étonné : “Frappes préventives” déplace la recherche d’armes en Irak dans une France uchronique soumise à un catholicisme fanatique, “J’entends battre ton pouls...” écarte peu à peu les brumes autour de la chambre d’une jeune fille, esquissant une histoire tragique, avant une chute très surprenante ! Enfin “l’Œuf de malachite” met en scène un magicien vendeur de bibelots qui doit faire le ménage dans une cité HLM, après avoir vendu par erreur un œuf de dragon à un jeune à capuche. Écrit avec une bonne dose d’humour, le narrateur est truculent, plein de sa sagesse millénaire qui lui fait parfois perdre un peu le contact avec les simples humains. Il ne perd pas son sang-froid, et l’esprit petit commerçant prend vite le dessus (se plaindre de l’erreur à son fournisseur) sur les petits désagréments de la situation (un dragon dans un HLM...)
La Lune mord la queue du chat... et le chat s’en fout !”, variation loufoque des romans steampunk de Johan Héliot, manque hélas d’un peu de scénario pour être vraiment sympa, en dépit d’un fond très riche et détaillé (trop, finalement, comparé par exemple à “Frappes préventives”).
Néovocyte 41” clôt le recueil sur une touche SF, mais là encore, un petit goût d’inachevé gâche un peu le plaisir d’une nouvelle aux accents très humanistes.

Chaque nouvelle est présentée par l’auteur, qui a la bonne idée de nous la resituer dans son parcours d’écriture et d’édition. Et de nous spécifier la difficulté de reprendre, 10, 15 ans après, un texte dont on voit alors toutes les faiblesses de jeunesse nous sauter aux yeux.
Difficile d’évaluer le niveau de reprise, de réécriture effectué à chaque fois, à moins de comparer avec l’édition originale. D’où une certaine question : que faire de ses textes de jeunesse ? Les laisser tels quels ? Les reprendre, mais jusqu’à quel point ?

Au final, « Miroirs d’Ambre » se révèle très riche, suffisamment éclectique pour que chacun y trouve son bonheur et découvre la large palette du talent de Denis Labbé, qui sait rester dans les clous comme déborder des cadres bien rodés du fantastique pour nous offrir de bons moments de lecture et de frisson..


Titre : Miroirs d’Ambre (nouvelles)
Auteur : Denis Labbé
nouvelles :
- Le Banquet, 2001
- Plastic Doll, 2009
- Les giacomettis (inédite)
- La tour, 2001
- Un peu de poussière sur tes lèvres (inédite)
- L’enjôleuse joggeuse, 1995
- Masquarade, 2002
- Cereza (inédite)
- Frappes préventives (inédite)
- L’ardoise (inédite)
- J’entends battre ton pouls… (inédite)
- La voie d’Amaterasu (inédite)
- L’oeuf de malachite (inédite)
- La Lune mord la queue du chat…, 2009
- Encore un comprimé mon garçon !, 1997
- Néovocyte 41, 2009
Couverture : Philippe Jozelon
Éditeur : Lokomodo
Collection : Fantastique
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 250
Format (en cm) : 11 x 18 x 1,8
Dépôt légal : novembre 2012
ISBN : 978-2359001396
Prix : 8 €



Nicolas Soffray
9 mai 2013


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