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Sur les bords du monde, l’Odyssée de Sir Ernest Shackleton (T1)
J. Malaterre, H. Richez, JF. Henry & O. Frasier
Grand Angle

Simplement en regardant la couverture, sans ouvrir le livre, on s’attend à trouver une énième aventure maritime, avec son lot de voiliers, de pirates et de diphtéries. Il n’en est rien.
Le scénario relate un périple vers le Pôle Sud au début du XXème siècle. La partie « traversée en bateau » ne constitue que les 15 premières planches de l’album, qui sont principalement utilisées pour présenter les personnages. Tout le reste du livre parle de froid glacial, de chiens de traineau, de chasse aux phoques et d’attaque de léopard des neiges. Les fans de Jack London ne seront pas déçus.
Bref, ne vous fiez pas à la couverture.



L’histoire de “Sur les bords du monde” est historique. Son héros, Sir Ernest Shackleton, a réellement existé. Et l’aventure narrée dans cet album est celle d’une expédition pour l’Antarctique avortée, le navire se retrouvant bloqué par la glace en chemin. Si cette aventure est si intéressante, ce n’est pas pour l’échec de l’expédition, mais pour le succès de l’improbable mission de sauvetage qui a suivi.

Sir Ernest Henry Shackleton est un explorateur anglo-irlandais, considéré comme l’une des principales figures de l’âge héroïque de l’exploration en Antarctique. En janvier 1909, il établit notamment un record en s’approchant à près de 100 milles du pôle Sud. Cet exploit lui vaut d’être anobli par le roi du Royaume-Uni Édouard VII dès son retour.
Après la conquête du pôle sud en 1912 par Roald Amundsen, Shackleton porte son attention sur ce qu’il estime être le dernier grand objectif de l’Antarctique : la traversée du continent via le pôle. Il monte, à cette fin, l’expédition Endurance. Les hommes de celui qu’on appelle « Le Boss » n’atteindront jamais le pôle austral. Leur navire, l’Endurance, se retrouve emprisonné plusieurs mois dans les glaces. Il est lentement écrasé par la pression des mêmes glaces, obligeant les hommes à débarquer. S’ensuit une série d’exploits, dont un ultime sauvetage sans aucune perte humaine, qui va asseoir le mythe de Shackleton.

Ce premier tome relate la première partie du voyage. La première année. L’aller en quelque sorte. Les scénaristes (nombreux !) ont surtout profité de ce premier volume pour présenter la psychologie des divers protagonistes, leurs états d’âmes. Shackleton est reconnu aujourd’hui comme un exemple de leadership, adaptant les habituelles règles hiérarchiques strictes aux conditions extrêmes de survie. Les planches de cet album nous montrent donc un homme discret et combatif, prêt à tout pour mener à bien la mission qu’il s’est donné, respectant à la lettre la devise de sa famille : « Par l’endurance, nous vaincrons ».

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Les vingt six membres d’équipages, du moins les principaux, sont également bien décrits, comme le loyal commandant Worsley, l’austère officier de la Navy Orde-Lees, l’insubordonné maître d’équipage Vincent, le charpentier Mac Nish, le jeune clandestin Blackborrow, l’équipe de scientifiques… Ces présentations ne sombrent pas dans la caricature, malgré le nombre limité de pages. La mentalité des personnages est introduite de manière subtile, lors des tâches quotidiennes ou des corvées. Du coup, bien sûr, il reste peu de place aux scènes d’actions pures, mais cela ne rend pas pour autant le récit ennuyeux. On retrouve un peu certaines ambiances du manga “Le Sommet des Dieux”, comme l’infatigable esprit de compétition du meneur et le combat des hommes pour leur survie en plein désert blanc.
Compte tenu des faits historiques, le prochain et dernier tome, relatant le retour des héros, révèlera sans doute une succession d’événements forts à un rythme intense. Le co-scénariste et réalisateur Jacques Malaterre différencie d’ailleurs le cinéma et la bande dessinée par ces termes : « La BD permet à tous les rêves de voir le jour. Elle fait ressortir tout le suc de la dramaturgie, il n’y a aucun temps mort. »

Mais d’ailleurs, pourquoi tant de scénaristes ? La trame de cet album a en effet été écrite par trois personnes. Rien que çà !
En fait, le projet initial du réalisateur Jacques Malaterre (“L’Odyssée de l’espèce”, “Le Sacre de l’homme”, “Ao Le Dernier Neandertal”, “Carmen”…) est un film retraçant les aventures de Sir Shackleton. Le réalisateur se fait aider dans cette tâche par son habituel co-scénariste Jean-François Henry. Mais un projet cinématographique prend du temps. Beaucoup de temps. Le réalisateur a commencé à travailler sur cette adaptation en 2009. Le tournage devrait commencer en 2015 et sortir en salle en 2017. En ce moment, le cinéma est plutôt tourné vers la comédie, Jacques Malaterre attend donc « la bonne fenêtre de tir pour aller de l’avant », comme il le dit lui-même. L’idée d’une adaptation en bande-dessinée, pendant la phase de préparation du film, est donc venue tout naturellement. Elle avait l’avantage d’élargir l’intérêt du public et des éventuels investisseurs. Pour l’adaptation du film en BD, les auteurs ont laissé carte blanche à Hervé Richez, aussi connu sous le nom de Perche, scénariste de nombreuses séries dont “Sam Lawry”, “Groom Lake” et “Les Fondus de Moto”, et directeur éditorial chez Bamboo.
Cette pratique est usuelle chez les auteurs. “Homo Sapiens” et “Le Sacre de l’homme” avaient déjà fait l’objet d’une parution en album, dans la collection Grand Angle, avant la sortie du téléfilm.

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Côté dessins, Olivier Frasier nous offre un ensemble plaisant et cohérent. Son style reste ici assez classique avec un encrage épais et des tonalités souvent monochromes. On ne reconnait pas toujours son trait, identifié dans ses précédents travaux comme la couverture du premier tome du roman “La Première Loi” ou les couleurs de la série “Le Passeur des étoiles”. Globalement, les scènes extérieures de cet album sont bleues, celles d’intérieur sont jaunes. L’illustrateur a peut-être voulu effacer son talent au profit du scénario, forçant le lecteur à rester accroché aux bulles plutôt qu’à contempler les cases.
L’ambiance électrique des hommes dans cet environnement clos et désert est assez bien retranscrite. Les expressions parfois grimaçantes, ou au contraire stoïques, de certains personnages leurs confèrent d’emblée un trait de caractère facilement reconnaissable. Les dessins sont également fort documentés. On reconnait même parfois des photos d’époque dans les angles de vue de certaines cases, comme celle représentant le navire incliné en proie aux pressions de la banquise.

Certains regretteront sans doute de ne pas avoir d’images en pleine page représentant l’étendue polaire et la somptuosité des décors. Certes. Mais ce premier opus est principalement centré sur les personnages. De nombreuses scènes sont des huis clos, à bord du navire échoué. Dans cet épisode, le talent du dessinateur est d’ailleurs d’avoir su donner des traits physiques différents et reconnaissables aux nombreux personnages, bien qu’ils soient tous habillés de la même manière. Ainsi, le lecteur n’est jamais perdu dans les scènes de dialogues. Le prochain et dernier numéro, prévu au printemps 2013, sera d’avantage tourné vers l’action et les péripéties en milieu hostile. Cet aspect de l’aventure permettra sans doute de mieux apprécier les décors.

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Chez Delcourt, en 2009, Pascal Bertho et Marc-Antoine Boidin avaient déjà retranscrit l’expédition de Shackleton dans leur BD “Endurance”. Bien que cette première adaptation ait été une belle réussite, l’ouvrage de Grand Angle ne souffre pas de la comparaison.
Avec ce diptyque, la collection Grand Angle inaugure une nouvelle série. A priori les deux tomes de “L’Odyssée de Sir Ernest Shackleton” constitueront le premier cycle de la saga “Sur les bords du monde”. Pour le moment, le sujet des autres cycles reste inconnu.


Sur les bords du monde, l’Odyssée de Sir Ernest Shackleton (T1)
- Scénario : Jacques Malaterre, Hervé Richez, et Jean-François Henry
- Dessin : Olivier Frasier
- Couleurs : Olivier Frasier
- Éditeur : Grand Angle
- Dépôt légal : 30 mai 2012
- Format : 234 x 323 mm
- Pagination : 48 pages couleurs
- ISBN : 978-2-8189-0983-6
- Prix Public : 13,90 €


A lire sur la Yozone :
Partons Sur les Bords du Monde avec Grand Angle


Illustrations © Frasier et Bamboo (2012)



Allison & Julien
8 août 2012




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