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Jennifer Strange, dresseuse de quarkons
Jasper Fforde
Fleuve Noir, collection Territoires, traduit de l’anglais (Royaume-Uni), fantasy, 307 pages, juin 2012, 16,50€

La saga de Jennifer Strange se déroule dans une Grande Bretagne uchronique nommée Royaumes Désunis. Dans ce présent alternatif, la magie, décrite comme « un mélange de science et de foi », joue un rôle mineur et essentiellement domestique.
Mais après avoir connu un déclin qui semblait inexorable, l’énergie sorciérique, au terme des aventures précédemment décrites dans « Jennifer Strange, dernière tueuse de dragons », reprend peu à peu son importance.
Dès lors, entre l’Agence Kazam, gérée par notre héroïne qui tient à ce que cette énergie soit utilisée pour le bien de tous, et Magie Industrielle, chapeautée par l’infâme Blix qui convoite l’intégralité du pouvoir et des biens des Royaumes, l’affrontement devient inévitable.



La jeune Jennifer Strange, si elle n’est pas dépourvue de capacités, n’est pas elle-même magicienne : elle gère l’Agence Kazam, qui loue les services de ses magiciens pour divers travaux, souvent très prosaïques, tels que la voierie ou la réparation d’installations électriques, ou parfois plus originaux, comme reclasser dans l’orbre alphabétique les arbres d’un parc.
Mais gérer des magiciens excentriques n’est pas de tout repos ; et refuser des tâches plus rénumératrices, mais peut-être délétères, comme retrouver pour une inconnue un anneau porteur de très mauvaises vibrations, n’est pas évident en ces temps où les affaires ne sont pas au beau fixe.

Les choses se compliquent encore quand, coup sur coup, deux des magiciens de l’Agence Kazam sont transformés en pierre en essayant de débloquer un indispensable accumulateur d’énergie sorciérique protégé par un sort dont seul, peut-être, le grand Zambini serait capable de venir à bout. Mais ce dernier est lui-même victime d’un sort d’escamotage qui le fait rebondir dans le « Maintenant » à la manière d’une balle de ping pong. Reste à prédire où et quand il se matérialisera la prochaine fois, pour une poignée de secondes, et à s’arranger pour être présent et lui soumettre le problème.

Encore ne serait ce rien si la seule entreprise concurrente, Magie Industrielle, à Stroud, n’était régentée par l’infâme et perfide Blix, qui, accointé avec le roi Snodd, s’arrange pour faire emprisonner la plupart des magiciens de l’Agence Kazam et susciter un concours dont l’issue déterminera la seule agence du royaume habilitée à utiliser la magie. Privée de ses troupes, Jennifer Strange se retrouve en bien mauvaise position.

Mais c’est compter sans l’audace et la débrouillardise de l’adolescente, qui a plus d’un tour dans son sac.
D’aventures en aventures, elle aura affaire à une multitude de sorts, franchira le mur du son en tapis volant, échappera à des trolls de huit mètres de haut qui, avec de bonnes raisons, considèrent les humains comme une espèce nuisible, apprendra les différents types de pétrifications humaines et leur usage pour éviter de vieillir, et organisera une chaîne humaine destinée à canaliser l’énergie sorciérique.

Mais Jennifer Strange apprendra aussi beaucoup au sujet des terribles quarkons, qu’elle avait déjà côtoyés dans sa précédente aventure. D’incompréhensibles animaux aux propriétés basées, comme on pouvait s’y attendre, sur celles des particules subatomiques, et que rien n’arrête, pas même le métal : ils sont capables de se frayer un chemin à travers un autobus, dans le sens de la longueur, en moins de huit secondes. Ils aiment mâcher la ferraille et ne sont pas particulièrement difficiles, « même s’ils évitent le plomb, qui se coince entre leurs crocs, et le cobalt, qui leur donne la courante. »
Animaux aux yeux mauves capables à la fois d’une douceur extrême et d’une férocité inextinguible, ils ont aussi pour faculté de pouvoir s’échapper dans une explosion d’énergie sorciérique qui déplace vos organes de droite à gauche et retourne vos vêtements devant derrière. Un phénomène, comme l’avoue Jennifer Strange, « aussi inconfortable que déconcertant. »

Si cette série d’aventures est instructive pour l’héroïne, elle l’est aussi grandement pour le lecteur. Le recours aux références apocryphes et aux notes de bas de page permet de répondre à maintes questions.
On connaîtra les propriétés de la théière perpétuelle et l’on fera désormais la différence entre un shandarmètre et un shandargraphe. On apprendra que seule la magie empêche les bicyclettes de tomber.
On en saura désormais plus sur les âmes des objets : « Certaines personnes pensent que les objets tels que les bijoux, les tableaux ou les vieilles voitures ont véritablement une âme mais, autant qu’on le sache, ce n’est pas le cas – juste les souvenirs des gens qu’ils ont côtoyés. »
On saura que la magie « fonctionne toujours mieux avec un nombre de praticiens divisible par trois. » On apprendra que oui, il existe bien un morse savant capable de jouer la «  Petite Musique de Nuit  » au xylophone, et l’on regrettera avec l’auteur, qui prend toujours soin de placer ici et là une petite note d’humour noir, de ne pas trouver dans les fêtes royales suffisamment de pizzas aux animaux écrasés sur la route, « qui à vrai dire sont assez rares, car la demande excède de beaucoup l’offre. »

Si ce second tome apparaît légèrement en deçà de « Jennifer Strange, dernière tueuse de dragons », notamment parce que le propos y est moins vaste et que l’intrigue, essentiellement consacrée au sort de la magie dans le royaume, se révèle moins fouillée, on prend néanmoins plaisir à retrouver Jennifer Strange et son univers farfelu.
L’humour de Jasper Fforde, son goût du nonsense et son inventivité donnent au volume tout son intérêt, et permettront à ses aficionados de prendre patience en attendant « Le Retour du Shandar  », dont la parution est prévue au Royaume-Uni pour la fin de cette année.


Titre : Jennifer Strange, dresseuse de quarkons (The Song of the Quarkbeast, 2011)
Auteur : Jasper Fforde
Série : Dragonslayer Trilogy
Traduction de l’anglais (Royaume-Uni) : Michel Pagel
Couverture : Marko Tardito
Éditeur : Fleuve Noir
Collection : Territoires
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 307
Format (en cm) : 13,9 x 22,5 x 2,7
Dépôt légal : juin 2012
ISBN : 978-2-265-09307-2
Prix : 16,50 €


Jasper Fforde sur la Yozone :
- « Sauvez Hamlet ! »
- « L’Affaire Jane Eyre »


Hilaire Alrune
23 juillet 2012


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