Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Aller-Retour
F. Bézian
Delcourt

Bézian est un auteur à part, très attendu par ses fans. Ce nouvel opus peut cependant surprendre, même les amateurs du genre.
Illustrateur et auteur, Frédéric Bézian nous emmène sur les traces d’un mystérieux disparu, puis, très vite dévie de sa route.



Aller-Retour” est mon premier Bézian. Aimant les BD sortant des scenarii classiques et empreintes de poésie, j’ai pensé que cet auteur, jugé très original par certains, génial par d’autres, pouvait me surprendre. Il se trouve que je me suis totalement trompée… Mais restons objective.
On encense souvent l’extraordinaire talent graphique de Bézian. Ici, hormis six planches colorisées, l’album est en noir et blanc. Un noir et blanc sombre et crayonné, rempli d’ombres inquiétantes. Ce style graphique m’a déstabilisée. On oscille entre des planches aux dessins agréables et soignés et des planches très pénibles, au crayonné agressif et anarchique qui met mal à l’aise. Mais dans l’ensemble, les dessins de Bézian ont un fort pouvoir narratif. C’est bien entendu visiblement une volonté de l’auteur/dessinateur que d’entrainer les lecteurs dans les tréfonds de l’âme torturée et nostalgique du personnage principal.
Nous suivons Basile Far, homme corpulent aux traits quasi inexistants. Il est comme effacé, la tête souvent baissée ou tournée. Le lecteur l’imagine plus qu’il ne le voit réellement.

JPEG - 40.9 ko

« Aller-retour », le titre, évoque l’arrivée et le départ en TER de Basile dans un village du sud de la France. Il prétend venir enquêter sur une disparition, mais ne semble pas beaucoup s’occuper de cette affaire. Il flâne, arpente le village et ses proches environs en réfléchissant. Ses motivations sont floues. On comprend qu’il connait les lieux, qu’il y a même vécu. Le début est très intrigant et on se prend vite au ton poétique. Le personnage parle peu aux autres, il est plutôt mystérieux et gauche. Le genre d’homme qui inquiéterait vite la population d’un petit village en débarquant ainsi et en se comportant de la sorte.
La narration est aussi parfois dérangeante, passant par exemple de la première à la troisième personne de façon plutôt anarchique. Ce qui brouille un peu plus les pistes et, se faisant, risque de perdre l’attention du lecteur.
Très clairement, passé le charme des premières pages, j’ai décroché. J’y suis revenue, m’accrochant à la réputation de l’auteur, pensant avoir été gagnée par la fatigue, mais non… J’ai (re)décroché lorsque l’intention de l’auteur m’est apparue clairement. Errer dans le village, dans la narration, le temps, la réalité, les souvenirs. J’ai très vite entrevu que cela ne me mènerait nul part. Non pas qu’il me faille de l’action à tout prix, mais clairement n’attendez pas de cet album une réelle intrigue, une trame narrative claire. C’est un parti prit plus philosophique, une sorte d’introspection aux travers d’un lieu, de souvenirs ou d’extrapolations, on ne sait plus trop.
J’ai ressenti à la lecture de cet album, la même impression qu’à la lecture du roman “Extension du domaine de la lutte” de Michel Houellebecq : l’impression d’avoir été appâtée par une réputation et d’être flouée face à une tentative stérile de démonstration intellectuelle.

JPEG - 35.6 ko

Après avoir approfondi mes recherches sur l’auteur, j’ai constaté, que de l’avis général, “Aller-Retour” n’est pas sa meilleure BD. Visiblement, il y a eu comme un malentendu entre l’auteur et les lecteurs.
Frédéric Bézian parle volontiers dans la presse de ce livre et de son œuvre en général. Sur certains sites Internet, il déclare, par exemple, au sujet des lecteurs d’“Aller-Retour” : « Ils ont été déçus qu’il n’y ait pas de réelle enquête policière, ni de péripéties. En quelque sorte, je récolte ce que j’ai semé… La plupart de ces désappointés sont assez jeunes. Peut-être faut-il être plus vieux pour que la mécanique de la réminiscence, à laquelle je fais appel pour ce livre, fonctionne pleinement. En tout cas, c’était étonnant de voir que la presse a été dithyrambique, alors que les réactions sur les forums étaient catastrophiques. ». Bon… Je pense, en effet, faire partie des jeunes lecteurs désappointés. Très clairement je me suis ennuyée et j’ai trouvé que cette démonstration pseudo proustienne était plutôt prétentieuse.

Bézian site souvent Proust dans ses inspirations mais, même si les sujets de l’introspection et de la réminiscence sont communs, le style est très différent. Bien que « jeune » comme le dit Bézian, la lecture de Proust m’évoque la réminiscence. Il y a ce charme du souvenir, de la construction de ce que l’on est par son passé, son environnement. Et puis surtout, il y a une histoire… “Aller-Retour” est, à mon avis, trop sombre pour inspirer au lecteur ce plaisir qu’éprouve une personne lambda à revenir sur son passé. La fameuse « madeleine » qui ne tient à rien, souvent un petit détail qui pétille dans nos mémoires.
Je pense que le rendez-vous manqué de Frédéric Bézian avec ses lecteurs ne vient pas du sujet, ni de l’âge de son public, mais plutôt du côté vain, pessimiste et torturé du personnage principal.

Bien entendu, il ne s’agit que de mon avis de lectrice d’“Aller-Retour” (que j’ai lu jusqu’au bout, promis, juré) et si vous aimez Houellebecq et Platon, vous aimerez sans doute “Aller-Retour”. C’est particulier, peut-être un poil élitiste, mais pas inintéressant, ne serait ce que graphiquement.


Aller-Retour
- Scénario : Frédéric Bézian
- Dessin : Frédéric Bézian
- Editeur : Delcourt
- Dépôt légal : 4 janvier 2012
- Format : 210 x 275mm
- Pagination : 80 pages couleurs
- ISBN : 978-2-7560-2305-2
- Prix Public TTC France : 16,95€


Illustrations © Frédéric Bézian et Delcourt (2012)



Allison & Julien
20 mai 2012




JPEG - 24.9 ko



JPEG - 33.1 ko



JPEG - 30 ko



JPEG - 27.8 ko



JPEG - 29.2 ko



Chargement...
WebAnalytics