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Aliens mode d’emploi, manuel de survie en situation de contact extra-terrestre
Laurent Genefort
Le Bélial’, science-fiction, guide pratique (France), 189 pages, avril 2012, 13€

Concomitamment à « Points chauds », roman décrivant non pas l’invasion, mais l’irruption sur Terre de milliers et milliers d’espèces d’extra-terrestres a priori de passage, mais dont beaucoup choisissent rapidement de rester, Laurent Genefort publie un « Aliens mode d’emploi, manuel de survie en situation de contact extra-terrestre », destiné à jeter les premières bases d’un comportement adapté à cette nouvelle donne. Il est vrai que le nombre de « Bouches », artefacts incompréhensibles par lesquels arrivent régulièrement de nouveaux convois d’aliens ne cessent de se multiplier, et que, même si la plupart des transports en commun offrent des compartiments séparés pour éviter toute friction entre humains et non-humains, il devient de plus en plus difficile de se promener dans son quartier sans se trouver confronté à un Nisna, un Plooran, un Gavri ou à toute autre créature. Sans compter le risque, en rentrant chez soi, d’en retrouver une installée dans sa chaise-longue ou dans son canapé. Un tel manuel de survie en situation de contact extra-terrestre devenait donc indispensable.



On apprendra ainsi que mieux vaut ne pas s’approcher trop près la cigarette à la main d’espèces susceptibles de dégager du méthane, qu’il peut être intéressant de faire comprendre à l’alien qui vous fait face que les humains ne disposent pas de la capacité de régénérer leurs propres membres, ou d’éviter tout contact proche avec certaines créatures dont la transpiration dégage des vapeurs d’acide sulfurique. On sera averti sur les conséquences qu’il peut y avoir à prendre inconsidérément un alien en auto-stop, éveillé aux manières de faire des affaires avec un alien, et l’on saura s’il est possible d’employer en toute légalité une espèce étrangère. On trouvera aussi réponse à bien d’autres questions : par exemple le comportement à adopter lors d’un xéno-cérémonial, l’existence des arts à travers les mondes ou la possibilité ou non de concevoir des hybrides d’humains et d’aliens.

Les illustrations et typographies de Cédric Bucaille viennent souligner le propos de l’auteur en adéquation parfaite avec l’esprit du texte. On goûtera particulièrement les tableaux des pages trente-six et trente-sept (à mi-chemin entre les planches entomologiques et les affiches didactiques de signalisation routière) où l’on retrouve avec plaisir les figurations symboliques des « Héhé-ty » et des « Shaytans », extra-terrestres ayant donné lieux aux passages les plus poétiques et les plus poignants du roman « Points Chauds ». Mais l’on ne comprend pas pourquoi l’on trouve sur ces planches la figuration des Krells, en contradiction avec « Points Chauds », qui précise à la fois dans le corps du texte et dans le glossaire final que les Krells, hypothétiques concepteurs des trous de ver, sont des aliens que nul n’a jamais vus.

« Aliens mode d’emploi, manuel de survie en situation de contact extra-terrestre » apparaît comme un guide très basique, qui conviendra au plus grand nombre mais pourra en laisser certains sur leur faim. Il y avait matière, sans doute, à plus de détails et d’inventivité. On aurait aimé plus de physiologie, plus de détails effarants, plus de surprises confondantes. Les exemples de science fictive largement détaillée ne manquent pourtant pas, depuis l’inestimable « Bau and Leben der Rhinogradentia » de l’Allemand Harald Stümpke (à tel point convaincant qu’il fut repris en France par des éditeurs scientifiques) jusqu’à des déclinaisons plus contemporaines, sur lesquelles il eût été possible de prendre exemple pour donner plus de densité à ce guide. La diversité des aliens – plusieurs milliers d’espèces différentes – mentionnée par Laurent Genefort dans « Points Chauds », laissait la porte ouverte à un véritable traité, à un foisonnement de concepts et d’idées, à un déluge de situations effrayantes ou cocasses, et le recours à des dépêches de presse ou à d’autres sources, employées par l’auteur dans son roman, aurait pu contribuer à donner plus de poids à l’ensemble.

Mais cette légèreté résulte à l’évidence d’un choix : plutôt qu’un véritable traité encyclopédique, l’auteur a souhaité écrire une parodie de ces guides touristiques agrémentés de conseils si simples (façon « évitez de vous promener en minijupe et la cigarette aux lèvres dans un fief intégriste ») qu’ils semblent exclusivement destinés aux hébéphrènes, mais dont les comportements des touristes prouvent chaque jour qu’ils ne sont pas, loin s’en faut, inutiles. Si l’on reste donc dans le basique, c’est aussi parce que Laurent Genefort, comme dans « Points Chauds », utilise avant tout les extra-terrestres comme miroirs et comme révélateurs de ce qu’est l’humanité, et des drames que sa bêtise entraîne avec une inaltérable constance. Et aussi parce qu’à l’issue des événements décrits dans « Points Chauds », l’homme n’est plus vraiment chez lui sur la Terre, et, qu’il choisisse d’errer à travers les mondes en utilisant les « Bouches » de transit ou de rester chez lui, il sera, qu’il le veuille ou non, confronté à la découverte d’un monde nouveau : un touriste d’un nouveau genre, y compris sur ses propres terres.

Comme avec « Points Chauds », Laurent Genefort parvient à boucler la boucle en fin de volume, à travers les conseils donnés aux humains qui souhaiteraient à leur tour emprunter les « Bouches » et voyager sur d’autres mondes. On sait en effet que si l’on survit à la traversée de mondes successifs, l’on finit toujours par revenir à son point de départ. Mais il s’agit là d’un long et périlleux voyage, pour lequel il est recommandé de choisir des compagnons fiables, un kit mûrement conçu ... et un manuel de survie ! « Préférez les manuels complets  », écrit l’auteur avec ironie, « couvrant tous les climats, des zones tropicales jusqu’aux déserts polaires, car vous ne savez pas sur quel monde vous tomberez. » Avant d’en revenir à son propos essentiel, le contact avec les extra-terrestres, mais avec une différence de taille : « peut-être ne l’avez vous pas pleinement réalisé, mais désormais c’est vous l’alien ». Retour à la case départ, donc, mais dans un paradigme nouveau.

Si on le compare aux « Guide de Survie » disponibles dans le genre, ce volume en gros caractères, avec 189 pages dont une trentaine d’illustrations ou de blancs réservés aux notes complémentaires du lecteur, s’approche plus du « Survivre à une invasion robot » de Daniel H. Wilson, tout récemment publié aux éditions Orbit (170 pages, dont une trentaine d’illustrations) que du « Guide de survie en territoire zombie » de Max Brooks, nettement plus dense. Mais « Aliens Mode d’Emploi » partage avec ce dernier le fait d’être complémentaire à une œuvre plus littéraire, le « World War Z » pour Max Brooks, « Points Chauds » pour Laurent Genefort.

Ce petit volume fait à l’évidence partie d’une vague d’invasion de quatrième type, celle de manuels destinés à nous permettre de nous tirer d’affaire quoi qu’il puisse arriver. Car nul doute qu’après les zombies, les robots et les aliens, d’autres monstres suivront. Saurons-nous survivre à une invasion de guides de survie ? Pour l’heure, cette floraison de traités et d’aide-mémoire pratiques apparaît distrayante, et l’on aurait plutôt tendance à en redemander.


Titre : Aliens mode d’emploi, manuel de survie en situation de contact extra-terrestre
Auteur : Laurent Genefort
Couverture : Cédric Bucaille
Illustrations intérieures : Cédric Bucaille
Éditeur : Le Bélial’
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 189
Format (en cm) : 13 x 20
Dépôt légal : avril 2012
ISBN : 978-2-84344-112-7
Prix : 13 €



Laurent Genefort sur la Yozone :
- La Chronique de « Points chauds »
- La chronique de « L’Ascension du serpent »


Hilaire Alrune
28 mai 2012


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