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Vénus du Dahomey (La) (T1) La Civilisation hostile
Stefano Casini & Laurent Galandon & Christophe Bouchard
Dargaud

Depuis la reddition du roi, Béhanzin 1er, Diamanka est enfermée dans une prison à Cotonou. Elle qui fit partie des Amazones du royaume du Dahomey et qui combattit contre les français du général Alfred Dodds (1892-1894), a vu, le 15 janvier 1894, la fin de sa liberté. Quand l’espérance d’une liberté se présente, quelle qu’elle soit, on ne la laisse pas passer. Liée par contrat à Saint Juste, elle se retrouve à Paris, au jardin d’acclimatation. Aux milieux des animaux, a été crée un zoo humain, un village dahoméen, Diamanka y joue la reconstitution du dernier combat des amazones contre les tirailleurs sénégalais. Fernand de La Fillière, médecin, passionné des colonies et d’exotisme, tombe rapidement sous le charme de la guerrière. Le jour au Diamanka tombe malade, il la recueille chez lui.



Dans l’antiquité, les Amazones formaient un peuple de femmes guerrières, habitant une région à l’est de la Mer Noire. Cette tradition existe aussi sur le continent africain, à l’ouest, au Dahomey, ex Bénin, pays situé entre le Togo et le Nigeria. Le roi Béhanzin en aurait eu jusqu’à mille deux cents sous ses ordres, réparties en cinq spécialités : l’infanterie (3), l’artillerie et l’élite, sorte de garde prétorienne, chargée de la protection de leur roi. Laurent Galandon ne fait que se servir de l’histoire pour nous montrer les pratiques de l’époque. Diamanka est la victime d’une idéologie coloniale et raciste cautionnée par la politique et la science. Un des premiers à avoir établi une classification des « races » fut Joseph Deniker qui était un naturaliste et anthropologue français. A partir 1877, Carl Hagenbeck propose à la vue des parisiens différentes ethnies, accompagnées de la faune qui leur est propre. Exhiber un être humain génère un processus de chosification de l’homme. L’être humain n’est plus sujet, c’est un objet. On ne peut, aussi, oublier l’emblématique Saartjie Baartman, « la vénus hottentote », qui dès 1810 fut exposée à Londres et ensuite exhibée à travers l’Europe et notamment à Paris (lire « La vénus noire » de Kechiche et Pennelle ; Emmanuel Proust Éditions - 2010). Une loi fut même promulguée, en mars 2002, relative à la restitution par la France de sa dépouille mortelle à l’Afrique du Sud.

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Une autre victime célèbre du « spectacle ethnique » était un esquimau dénommé, Minik. Ce jeune inuit fut rapporté à New York, en 1987, par l’explorateur Robert Peary, officiellement premier vainqueur du pôle Nord, le 6 avril 1909. Son histoire est raconté dans « Groenland - Manhattan » de Chloé Cruchaudet chez Delcourt (2008) et « Minik », dessins d’Hippolyte et scénario de Marazano chez Dupuis (collection Aire Libre, 2008). Le cinéma ne fut pas en reste avec le célèbre « Freaks » (La monstrueuse parade), film américain réalisé par Tod Browning, sorti en 1932. Mais on peut citer « Elephant man » qui reprend la thématique de la différence, de l’exposition scientifique et de l’incompréhension. L’exposition d’êtres humains, notamment au jardin d’acclimatation, n’est pas une situation nouvelle. Le cirque fut l’un des premiers « média » à présenter en plus de ses numéros, des exhibitions zoologiques et ethnologiques. Phineas Taylor Barnum était un entrepreneur américain de spectacles. Il fonda le cirque Barnum en 1871, qui présenta en plus de numéros traditionnels de cirque, des personnes présentant des handicapes et ce à travers le monde. Une évocation du personnage est faite à travers Mr Chance, américain, ramenant un africain albinos et un nain hydrocéphale. Le point d’orgue de cette pratique étant l’exposition coloniale internationale de 1931 qui dura six mois. A noter que l’arrière grand-père de Christian Karembeu, autre footballeur (53 sélections nationale), subit un sort identique à notre héroïne, faisant partie des Kanaks exhibés au Jardin d’acclimatation lors de l’Exposition coloniale.

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Dans un scénario humaniste, Laurent Galandon aborde ce délicat sujet sans manichéisme. Comment arrivons nous à exhiber d’autres êtres humains ? Comment réagirions-nous dans cette société européenne qui aborde le vingtième siècle en porteuse de flambeau de la modernité ? Elle qui ne voit dans ses colonies que des grands enfants à éduquer, il n’y a qu’à prendre la fameuse vignette de « Tintin au Congo » (1931) où celui-ci, dans la version originale, fait un cours sur la Belgique et qui sera modifié en leçon de mathématique dans les rééditions à partir de 1946. Voila la mission civilisatrice de la colonisation qui, comme on le voit, est identique dans toute les mentalités européennes.

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On rentre facilement dans le récit et le dessin de Stefano Casini favorise cette impression. D’un trait fin et réaliste accompagné de découpage agréable, le charme opère, agrémenté par les couleurs de Christophe Bouchard. La maquette de l’album avec ce côté vieilli, comme une édition du « Petit journal », participe à dater le récit. Il faudra donc attendre le tome deux pour connaître le dénouement de cette histoire prenante.

Mais en ouvrant bien les yeux, on se rend compte que l’histoire se répète tous les jours sous d’autres formes et que ça reste parfaitement d’actualité.

Il n’y a qu’à regarder la télé réalité…ou plutôt se replonger dans le livre de Michel Tournier, « Vendredi ou la vie sauvage ».

Remerciements à Laurent Galandon pour sa disponibilité et pour l’autorisation d’utiliser des visuels issus de son blog

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Actuellement se déroule l’exposition « Exhibitions » (l’invention du sauvage) au musée du quai Branly (75007 Paris). Elle a pour commissaire général Lilian Thuram, ancien footballeur internationale.



(T1) La Civilisation hostile
- Série : La Vénus du Dahomey
- Scénario : Laurent Galandon
- Dessin : Stefano Casini
- Couleur : Christophe Bouchard
- Éditeur : Dargaud
- Dépôt légal : 7 octobre 2011
- Pagination : 48 pages couleurs
- Format : 24 x 31,5 cm
- ISBN : 9782505011385
- Prix public : 13,90 Euros


© Galandon, Casini - ( Dargaud Benelux) - n.v. DARGAUD - LOMBARD s.a. - 2011



arjulu
3 avril 2012




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