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Vincent Villeminot : l’instinct de l’écrivain
Une interview Yozone
Mars 2012

Vincent Villeminot clôt sa trilogie fantastique en fanfare.
L’action est au rendez-vous, les équilibres changent, le yin et le yang en prennent un coup.

Sans complexe, et sans peur, la Yozone est partie à a rencontre du polymorphe Villeminot.




Vincent Villeminot sur LA YOZONE :
- « Instinct – T1 »
- « Instinct – T2 »
- « Instinct – T3 »


Qu’est-ce qui vous a amené à traiter de la transformation et de l’instinct ?

L’idée de la trilogie est partie de deux préoccupations qui se sont télescopées : d’une part, en écrivant pour des ados, j’étais tenté de parler de la métamorphose, une situation qui les concerne ; d’autre part, en faisant des recherches pour un tout autre projet de fantasy (qui n’a pas abouti, encore…), j’ai découvert qu’au Moyen Age, on avait brûlé ou pendu, en Europe, des dizaines de milliers de « loups garous », plus encore que de sorcières. Du coup, j’avais envie de voir comment on pouvait faire un roman moderne sur ce vieux mythe, écrire une histoire de lycanthropie du XXIe siècle.

Si vous étiez un de vos anthropes, quel serait votre animal et votre luxna ?

Si je pouvais choisir, je prendrai l’ours kodiak ou grizzly, et un cycle lunaire : 28 jours dans la peau de la bête, 28 jours dans celle de l’homme. Mais les métamorphoses ne correspondent ni au caractère, ni aux aspirations de chacun. La preuve avec Shariff… Si la chose survient, j’ai finalement autant de chances de devenir un lombric ou un caniche, une bien triste expérience, j’en suis sûr.

Comment aborder une trilogie pour maintenir le rythme ?

J’écris d’abord un synopsis de l’ensemble de la série, pour savoir ce que je raconte, les tenants et aboutissants. Trois mois de travail, et une cinquantaine de pages, nécessaires avant la première ligne du prologue du premier roman ; quitte à prendre, ensuite, des chemins de traverse…
En cours d’écriture, l’évolution des personnages décidera des changements : quand je réalise ce qu’ont traversé Tim, Flora et Shariff, ils ne peuvent plus être les mêmes, donc j’adapte, j’essaye de supposer l’impact de ces événement sur eux, je modifie la trame.
Quant à l’équilibre entre les trois tomes, c’est une chose délicate, qui dépend aussi de la forme du moment, de l’énergie, de la saison…
Une trilogie, c’est plus de 18 mois de travail à temps plein, avec ses hauts et ses bas. Dans le cas d’Instinct, j’ai pas mal galéré pour le Tome 2, qui était moins « bien né », qu’il a fallu retravailler plus longtemps, pour qu’il soit à la hauteur des autres. Au final, c’est celui qui m’a demandé le plus de temps.

Le concours pour le tome 3 d’Instinct est maintenant terminé. Qui en a eu l’idée ? Vous avez eu de bonnes surprises ?

C’est l’éditeur qui a eu l’idée du concours, et je n’ai pas encore vu les vidéos. J’avoue que j’ai hâte.

Une adaptation cinématographique est elle prévue ?

Prévue, non, pour l’instant. Souhaitable, bien sûr ! Voir ce qu’un autre fait de son histoire doit être assez excitant.

Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer le nom du « garçon-homard » : Shariff… Omar Sharif…Il faut y voir quelque chose en particulier ou il s’agit juste d’une coïncidence ?

Il s’agit juste d’un jeu de mots (et pas très brillant, j’en conviens). Je voulais un personnage affligé d’une métamorphose difficile, handicapante, et calée sur le rythme lunaire. Du coup, les marées se sont imposées, puis l’animal et le prénom en même temps… Mais il est précisé dans le T1 que Shariff a choisi lui même son prénom, ce qui fait de ce calembour douteux une création du personnage lui-même (et hop, cela dédouane l’auteur).

Les recueils jeunesses auxquels vous avez participé sont, pour la plupart, bien connus, des libraires comme des mamans. Qu’est ce qui vous a poussé à écrire pour les enfants, jeunes et moins jeunes ?

Essentiellement le fait d’avoir des enfants, jeunes puis moins jeunes. J’ai commencé d’écrire pour la jeunesse quand mes aînés avaient six et quatre ans, ils en ont seize et quatorze maintenant, et j’ai toujours envie de partager des histoires avec eux… évidemment plus sombres et adultes. Outre le plaisir que nous prenons à en discuter (voire à critiquer ou éreinter tel passage), c’est précieux d’avoir des lecteurs à la maison car, contrairement à d’autres activités de création, on a parfois du mal, quand on écrit, à avoir un retour du public. Même si, avec l’avènement des blogs, et le succès relatif d’Instinct, j’ai maintenant de plus en plus de critiques directes.

L’écriture pour les jeunes nécessite-t-elle des retenues ou permet-elle des libertés ?

C’est un peu les deux, bien sûr… Ecrire pour les jeunes demande une vraie rigueur scénaristique, car je crois qu’ils sont des lecteurs plus impitoyables que leurs aînés – qu’ils aiment ou détestent un bouquin. Ils sont capables de déceler les failles, les trous dans l’histoire, les incohérences.
Je le constate sur les blogs, où la moitié de mes lecteurs sont adultes, l’autre moitié ado : la vigilance n’est pas la même, les attentes non plus… Avec des lecteurs de 14 ans, on ne peut pas se permettre d’être seulement dans des atmosphères ou des tergiversations pendant 100 pages, il faut que l’action prime.
Pour le reste, écrire pour des ados, c’est créer des histoires avec la même exigence d’écriture que pour une littérature adulte, simplement en adoptant des héros plus jeunes, permettant l’identification. Ce qui induit d’autres contraintes : mes personnages ont plutôt tendance à vivre des histoires d’amour qui commencent (bien ou mal) que des histoires d’amour qui s’achèvent, ils n’ont pas encore une expérience bien accomplie du maniement des armes, de la philosophie ou des complots internationaux (sauf Shariff, bien sûr…). Cela joue sur le scénario.

Continuerez-vous à écrire pour les enfants ?

Je n’en sais rien… A l’occasion, pour ma petite dernière, qui n’a que 3 ans.

Maintenant que vous êtes écrivain à temps plein, suivez-vous tous les conseils que vous promulguiez en tant que professeur ? Lesquels en particulier ?

Quand j’étais prof, j’enseignais l’écriture journalistique, qui sur bien des points est exactement l’inverse de l’écriture romanesque. Donc, non, je ne suis pas mes conseils. Et je crois qu’il n’existe pas de méthode pour écrire de la fiction, alors que les techniques de reportage, d’enquête, d’interview peuvent s’apprendre. En revanche, ce que je garde de mes années de journaliste, c’est une certaine souplesse d’écriture, pour adapter le récit au sujet, et également le « don » de me mettre dans l’urgence : commencer un livre en retard et le finir à l’heure, c’est mon mode de vie. Cela demande beaucoup, beaucoup de café.

Si vous deviez choisir 5 livres parmi vos préférés ?

« En un combat douteux » de John Steinbeck, « L’homme qui a vu l’ours » de Jean Rolin, « L’usage du monde » de Nicolas Bouvier, « Dans la foule » de Laurent Mauvignier, et un polar pour la route, par exemple « La position du tireur couché » de Jean-Patrick Manchette.

Où aimez-vous travailler ?

Dans mon bureau ou dans mon salon, peu importe. Le bruit ne me dérange pas, la musique m’aide, le téléphone me nuit.

Avez-vous une méthode de travail particulière ?

Non. J’ai la chance de pouvoir faire ce métier à temps plein, donc je me mets au boulot tous les matins, je reste cinq heures par jour devant l’ordi, à horaires fixes, et je rajoute de longues sessions nocturnes pendant les deux mois qui précèdent la fin du roman.

Avez-vous un objet fétiche en écriture ?

Non. Je travaille sur un ordi portable, sur lequel j’ai ma musique et une connexion internet. Avec ça, je peux travailler n’importe où.

Avez-vous un rituel avant de commencer un livre ? Pendant l’écriture ? Après l’avoir terminé ?

Je n’ai pas de rituel, mais je prépare beaucoup l’écriture d’un livre, surtout d’une dilogie ou trilogie, pour être sûr d’avoir envie de passer un an ou deux avec mes personnages… Ensuite, on plonge…
Et lorsque j’ai écrit les dernières pages d’Instinct, deux ans après leur invention, j’avoue que j’ai trinqué à la santé de Tim, Flora et Shariff. Ils étaient devenus des vrais compagnons de route.

Auriez-vous quelques conseils à donner à un aspirant-écrivain ?

Si je devais donner quelques conseils, ce serait d’ouvrir les yeux pour regarder le réel, et de s’en inspirer ; d’écrire tous les jours, au moins une ligne, mais davantage si possible ; et d’apprendre à mettre un point final. Même si un livre n’est pas parfait, s’il n’est pas exactement ce que vous vouliez qu’il soit, il faut le finir, le faire lire, et passer à un nouveau projet. Je croise parfois des lecteurs jeunes ou moins qui sont depuis cinq ou dix ans sur le même texte… Je pense que cela perd en fraîcheur, et aussi que c’est épuisant.
Terminez vos livres, et recommencez d’autres livres juste après, c’est mon conseil !

Quel est votre futur éditorial ?

Je suis en train de réfléchir, d’hésiter entre deux projets de fictions dont j’ai écrit les synopsis : dans les deux cas des thrillers pour les ados et jeunes adultes… A la fin du mois, je saurai dans quoi je me lance pour les deux années qui viennent.

Merci Vincent.


Michael Espinosa
Emmanuelle Mounier
31 mars 2012


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