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221b Baker Street
Graham Moore
Le Cherche midi, Néo, roman traduit de l’anglais (USA), enquête policière, 451 pages, janvier 2012, 21€

Harold White, petit avocat, vient d’être admis parmi les « Baker Street Irregulars », la plus prestigieuse association d’admirateurs, de chercheurs et de vivificateurs du plus connu des détectives : Sherlock Holmes. Mais voilà, lors de la convention 2010, le principal intervenant, Alex Case, est retrouvé mort. Il travaillait depuis vingt ans sur une biographie d’Arthur Conan Doyle, et venait de mettre la main sur le volume perdu du journal de l’auteur, qui couvre la fin d’année 1900, date à laquelle Doyle, qui a fait « mourir » Holmes huit ans plus tôt, se lance dans la rédaction du « Chien des Baskerville ». Quel est le déclic qui le poussa à ressusciter Holmes, ce personnage qu’il avait fini par haïr ? Pour le savoir, il faut retrouver ce journal, et donc résoudre le mystère autour de ce meurtre qui imite, à quelques surprenants détails près, la scène de crime d’« Une Étude en Rouge ».



Je n’ai trouvé que peu de défauts à Graham Moore : il n’est pas Anglais. Mais il pourrait y prétendre, tant son roman fait honneur à Arthur Conan Doyle. Étrangement, il n’est pas non plus membre des fameux “Baker Street Irregulars”, mais là encore, il pourrait y être accueilli avec chaleur, car son « 221b Baker Street » (« The Sherlockian », en VO) est à la fois une enquête savante et une aventure palpitante sur les traces du plus célèbre détective.

Moore nous narre alternativement deux histoires : en 2010, Harold White, épaulé par une jeune journaliste un peu fouineuse, se pique de jouer les détectives et de résoudre le meurtre du plus passionné des Sherlockiens, d’autant que les indices laissent clairement penser que le meurtrier connaît le Canon (les 4 romans et 56 nouvelles écrites par Doyle) sur le bout des doigts : autrement dit, l’assassin est sûrement un autre fan du détective. Engagé par le descendant de Sir Arthur Conan Doyle pour retrouver le journal volé, Harold s’envole pour Londres et tente, avec la méthodologie de Sherlock Holmes, de remonter la piste. Très vite, il comprend que le secret contenu dans le journal est la clé de la mort d’Alex Cave... et qu’il n’est pas le seul à chercher le document.

Un chapitre sur deux, le lecteur accompagne Arthur Conan Doyle, pas encore Chevalier de l’Ordre britannique. En dépit des réactions disproportionnées des gens et de la presse à la mort de Holmes, Doyle a tenu bon, et refuse toutes les offres mirobolantes pour écrire une nouvelle aventure du détective, préférant se consacrer à une prose plus sérieuse. Jusqu’à ce qu’un colis piégé lui soit expédié. La bombe fait long feu, et il découvre une enveloppe dedans : on lui soumet, comme s’il était Holmes et pas Doyle, le cas d’un meurtre irrésolu par Scotland Yard. Piqué au vif, l’écrivain, accompagné de son ami Bram Stoker, décide de reprendre l’enquête, pour comprendre pourquoi on a tenté de le tuer, et se prouver qu’il est aussi fort, sinon plus, que ce héros de roman de quatre sous qu’il a créé et fait plonger dans les chutes du Reichenbach.

Les deux enquêtes, à un siècle d’intervalle, avancent de front. Et comme dans un bon Sherlock Holmes, il faut attendre la fin, un sursaut après une fausse piste, pour trouver la clé : tandis qu’Harold trouve le journal, on comprend ce qui pousse Doyle à ramener Sherlock Holmes à la vie. La note finale est aussi grandiose qu’amère : d’une part, la fin d’une époque ; de l’autre, les chutes du Reichenbach, encore, toujours...

Véritable bible holmésienne, ce roman dévoilera toute sa saveur à l’amateur plus ou moins éclairé. Si vous n’avez jamais lu de Sherlock Holmes, ou ignoré tout de la relation difficile entre Doyle et sa création, l’accumulation de détails biographiques ou de références sur le Canon risque de vous perdre un peu, ou de rendre cryptiques certains passages. C’est presque voulu, vous vous sentirez ainsi un peu bête, comme un Watson à qui l’évidence ne saute jamais aux yeux, ou la journaliste qui met les pieds en pleine réunion des Baker Street Irregulars sans connaître son Canon sur le bout des doigts, loin s’en faut.

Mais bon, avec la sherlock-mania ambiante, de la nouvelle (et excellente) série de la BBC aux films plutôt fidèles de Guy Ritchie, il serait troublant que vous ouvriez ce livre sans une base de connaissances, peut-être inconscientes.

Un nouveau bon bouquin dans la collection NéO, à qui je ne reprocherai que la transformation du titre original, un rien dommage.


Titre : 221b Baker Street (The Sherlockian, 2011)
Auteur : Graham Moore
Traduction de l’anglais (USA) : Françoise Smith
Couverture : Rémi Pépin 2012 d’après photo D.R.
Éditeur : Le Cherche midi
Collection : Néo
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 451
Format (en cm) : 14,2 x 22 x 3,2
Dépôt légal : janvier 2012
ISBN : 978-2-7491-1767-6
Prix : 21 €



Nicolas Soffray
1er avril 2012


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