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Riverdream
George R.R. Martin
Mnémos, Dédales, roman traduit de l’anglais (États-Unis), fantastique, 330 pages, février 2012, 22€

Le capitaine Abner Marsh a presque tout perdu. La malchance s’est acharnée sur lui et de tous les vapeurs de sa compagnie il ne lui reste que le plus miteux.
Aussi, lorsque Joshua York propose de s’associer avec lui et de faire construire le plus beau, le plus grand et le plus rapide de tous les vapeurs sillonnant le Mississippi, Abner Marsh accepte toutes les conditions demandées, aussi extravagantes paraissent-elles.
Joshua ne veut sortir que la nuit, s’arrêter quand bon lui chante et embarquer qui il veut. Au début, Abner Marsh n’a rien à redire, mais au fil de l’eau, il trouve cela de plus en plus étrange et dérangeant, surtout qu’il se murmure pas mal de choses…



George R.R. Martin est surtout connu pour son monumental cycle du Trône de Fer, dont « Le Bûcher d’un Roi », le premier volet du tome 5, « A Dance with Dragons », est prévu le 14 mars chez Pygmalion. D’ailleurs les mois de février et mars 2012 font la part belle à l’écrivain. Les éditions ActuSF publient « Skin Trade », Denoël Lunes d’Encre réédite « Armageddon Rag » et, dans le cas présent, Mnémos remet « Riverdream » en avant.

C’est un rêve qui réunit deux êtres très différents : Abner Marsh, un homme gros, moche et fort en gueule et Joshua York, un vampire tiré à quatre épingles et d’une belle prestance. Le Rêve de Fèvre a été construit pour dépasser tous les superlatifs, Abner espère fermement battre à la course l’Éclipse, la référence parmi les bateaux à aubes et ainsi entrer dans la légende. Cet hypothétique duel l’aiguillonnera toute sa vie.
Même s’il ne connaissait rien à ce dur milieu, Joshua parvient à gagner le respect de l’équipage et lui aussi partage cette envie d’en découdre. Toutefois, il poursuit un autre but, bien plus important pourrait-on dire et qui apporte une autre dimension au récit.

En effet, Joshua York voue son existence à maîtriser son état de vampire, car se nourrir de son prochain et demeurer caché n’est pour lui pas la solution. Les deux peuples doivent pouvoir coexister, apprendre à se connaître, à se faire confiance. Ce doux vœu se heurtera à un autre être de la nuit, Damon Julian, bien plus vieux que lui. Comment le gagner à sa cause ? Ou sinon le vaincre ? Peut-être grâce à son plus fidèle allié, Abner…

Écrit en 1983, donc 7 ans après « Entretien avec un Vampire » d’Anne Rice qui a entamé là une série à rallonges, « Riverdream » oscille entre le roman d’aventures et le fantastique avec l’introduction du thème vampirique. George R.R. Martin se contente d’un one-shot dans lequel il tord joyeusement les idées communément admises sur ces prédateurs nocturnes. Joshua York ne s’avère pas si différent des humains, il aspire à gommer les différences, du moins à rendre le fossé entre les deux races le plus mince possible. Il croit dur comme fer qu’elles peuvent s’entendre. L’amitié entre Abner et lui tend à en prouver la véracité. D’autres hommes, au fait de la condition de Joshua, vont se mettre en danger pour lui donner la chance de mener son combat à bien.

Le cadre choisi : un peu avant la Guerre de Sécession, les villes le long du Mississippi où l’esclavage est de mise, n’est pas innocent. La lutte de Joshua et d’Abner n’est pas sans évoquer de loin celle des Abolitionnistes qui se sont élevés pour les droits des gens de couleur. La triste condition de ces derniers est souvent rappelée. Être différent ne doit en aucun cas signifier être rejeté, exploité.

George R.R. Martin a écrit un roman flamboyant dans lequel le lecteur s’immerge sans problème. Lui aussi espère jusqu’au bout voir le Rêve de Fèvre se mesurer à l’Éclipse. Cette ballade au fil de l’eau s’avère palpitante. Le Mississippi offre un cadre magnifique à l’histoire. Même si la fin est attendue, elle se fait désirer plus longtemps que prévue et « Riverdream » s’achève d’une manière illustrant le talent de l’auteur.

Seule bizarrerie à noter : le choix du titre « Riverdream » en lieu et place de l’original, « Fevre Dream », plaçant le majestueux vapeur en tête d’affiche.

Voilà quelques années que les vampires nous sont servis à toutes les sauces, certains auteurs surfant sur cette mode et n’apportant pas forcément grand-chose au mythe.
L’aventure dans un cadre grandiose, l’espérance d’un monde meilleur, l’amitié entre des êtres par nature différents, la maestria de George R.R. Martin… autant de qualités qui, pour moi, imposent indiscutablement « Riverdream » au rang des romans incontournables mettant en scène les vampires.

D’ailleurs, pas besoin d’être un amateur de ce type de littérature pour apprécier tout court ce bon livre.


Titre : Riverdream (Fevre Dream, 1983)
Auteur : George R.R. Martin
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Alain Robert
Couverture : Alain Brion
Premières éditions françaises : Mnémos (2005), J’Ai Lu (2008)
Éditeur : Mnémos
Collection : Dédales
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 330
Format (en cm) : 15,4 x 23,5
Dépôt légal : février 2012
ISBN : 978-2-35408-132-4
Prix : 22 €


À lire aussi les avis de Hervé Thiellement et de Chris de Savoie sur ce roman


François Schnebelen
25 février 2012


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La version 2012 avec une illustration d’Alain Brion



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L’édition de 2005 avec une illustration de Guillaume Sorel



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