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Galaxies n°15 (Nouvelle Série)
Rédacteur en chef : Pierre Gévart
Revue, n°15, SF - nouvelles - études - critiques - entretien, janvier 2012, 192 pages, 11€

Charles Stross est l’invité de ce trimestre et il ne manque vraiment pas d’imagination. Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’entretien. À la question évoquant l’influence de Gernsback et Campbell sur la science-fiction : « Qu’aurait été une SF uchronique sans ces deux saints patrons ? », Charles Stross répond en quatre pages ! Pour qui ne connaît pas forcément l’écrivain, il découvrira un homme intéressant, n’aimant pas refaire la même chose.
En prélude du dossier, Charles Moreau et Pierre Gévart nous présentent ses principales œuvres disponibles en français : le cycle de la Laverie (« Le Bureau des Atrocités » et « Jennifer Morgue »), celui de l’Eschaton (« Crépuscule d’Acier » et « Aube d’Acier »), les quatre tomes des Princes marchands (« Une Affaire de Famille »…) et « Palimpseste ». C’est l’occasion de mettre l’accent sur ses influences : Lovecraft, le roman d’espionnage…



La nouvelle de Charles Stross, “Une guerre encore plus froide”, illustre parfaitement ce dernier point. La guerre froide ne se résume de loin pas à la seule arme atomique ; quelques initiés savent qu’il y a bien plus effrayant. L’auteur mélange les genres, allant du fantastique à la science-fiction en passant par l’espionnage, avec brio. Une très belle entrée en matière qui donne vraiment envie de lire les romans de Charles Stross.
Juste avant, Gilles Duterme analyse le style du britannique à travers les premiers paragraphes du texte. Bonne idée !

Philippe Curval est devenu un écrivain rare et “Un regard pénétrant” est d’autant plus attendu. Un homme, de passage à Venise avec sa femme, a oublié son Leica avec lequel il mitraille tout. Habitué à observer à travers l’objectif de son appareil, voir la réalité de ses propres yeux le perturbe…
Un regard pénétrant” s’avère surprenant, on doute être en présence d’un texte de l’imaginaire jusqu’à ce que la situation dérape. L’écriture de Philippe Curval est toujours aussi belle, il flirte ici avec la fiction. Même la femme éprouve le plus grand mal à croire aux maux affectant son mari. Seul bémol, très léger par rapport aux mérites du texte, la fin que j’ai trouvé rapide et peu convaincante. Mais là, c’est une histoire de goût personnel.
En tout cas, très belle entame de la partie fictionnelle.

Suit “Le hamsty” de Leonid Kaganov, traduite du russe. Une vraie claque ! Deux enfants jouent aux apprentis sorciers avec la technologie dont ils disposent. Avec des incubateurs accessibles aux particuliers, ils peuvent créer des familiers à l’espérance de vie limitée. Leurs désirs vont les pousser à dépasser les limites…
La société de consommation est étendue au monde du vivant. On en a les moyens, on fait, sans se rendre compte des conséquences, sans seulement se poser de questions. Le propos est d’autant plus appuyé qu’il s’agit d’enfants, finalement peu aux faits des choses de la vie, mais capable de la manipuler. Bien loin d’un récit enfantin, “Le hamsty” donne froid dans le dos par le sujet exploité, il soulève bien des questions d’éthique. D’une apparente simplicité, nous sommes en présence d’une nouvelle magnifique. Bravo pour la trouvaille !

Autre nom inconnu par chez nous, celui de Camille Alexa. Avec “Marshmallow flambé et autres causes de mort”, elle nous offre la vision d’une société où l’on peut connaître à partir de 16 ans les circonstances de sa mort. Au collège, toute une hiérarchie s’est construite autour de ce phénomène. Appartenir aux cramés, aux accidentés, donc finir de façon violente, est bien plus glorieux que de décéder dans son lit. Avant de savoir, on est finalement rien.
Le jour de ses seize ans, Carolyn ronge son frein avant de savoir, imagine quel avenir l’attend, espérant une sortie en apothéose. La réponse la surprendra un instant avant que son sens désarmant de la réalité ne prenne le dessus. La conclusion est tout simplement superbe. Du postulat de départ, Camille Alexa a élaboré un très bon texte.

Egregore 2050” de Yann Minh qui nous a plus habitués à ses œuvres picturales souffre de la comparaison avec les quatre autres textes. La faute a de nombreux renvois à des notes en bas de page ne se justifiant pas toujours et plombant le récit. Il semble ignorer que les lecteurs de « Galaxies », donc de SF, ont une large ouverture d’esprit et n’ignorent pas ce qu’est une IA. C’est d’autant plus regrettable qu’il y a de l’idée ; dommage que le traitement ne suit pas.

Dans la partie rédactionnelle, seconde apparition de “Lettre de l’Inde” d’Arvind Mishra qui évoque les similarités entre la mythologie et la science-fiction, tous deux à la recherche de merveilleux et d’extraordinaire. Dépaysant !

Dans “Le Coin du Bouquineur”, Philippe Ethuin nous présente onze nouvelles conjecturales de Clément Vautel, parues entre 1918 et 1920 dans le périodique illustré « Je Sais Tout ». À l’image de Philippe Gontier avec « Le Boudoir des Gorgones », Philippe Ethuin fait ici preuve d’un beau travail de défricheur.

Dans les notes de lecture, c’est avec étonnement que l’on trouve les chroniques de trois romans en langues étrangères faites par Georges Bormand. En effet, ce n’est rien d’autre qu’un léger remaniement de la rubrique “Ansible” parue dans « Présences d’Esprits n°69 ». Donc rien d’inédit !

De très bonnes nouvelles et un dossier solide et instructif font de ce « Galaxies 15 » peut-être bien la meilleure livraison de la revue depuis sa reprise par Pierre Gévart.
Si vous aviez envie de découvrir « Galaxies », sans jamais oser franchir le pas, ce numéro est tout indiqué pour le faire.


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 15 (57 dans l’ancienne numérotation)
Rédacteur en chef : Pierre Gévart
Couverture : Krystal Camprubi
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretien, etc.
Site Internet : le site de la revue
Période : hiver 2011
Dépôt légal : janvier 2012
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



François Schnebelen
15 février 2012


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