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Coeur d’Encre, tome 3 : Mort d’Encre
Cornelia Funke
Gallimard Jeunesse, Folio Junior, n°1535, traduit de l’allemand (Allemagne), fantasy transmonde, 782 pages, février 2011, 9,80€

Les jours ne sont pas au beau fixe à Ombra. La ruse de Mo et Meggy a échoué, et le cruel Tête de Vipère est désormais immortel. Il a placé son beau-frère, l’immonde Gringalet, à la tête d’Ombra, ce qui horripile sa fille, Violante, la veuve de Cosimo et légitime souveraine de la ville.
Mo a rejoint les brigands du Prince noir. Sans s’en rendre compte, il devient le Geai bleu, un personnage créé par Fenoglio pour mener la révolte. Ainsi, Langue Magique, qui donnait vie au texte, en devient un élément central, et ne contrôle plus totalement sa destinée.
Et Orphée... Le sale bonhomme œuvre au grand jour : capable d’écrire des morceaux de ce monde, et de les lire, il se taille une place de choix dans la ville, devenant un proche du pouvoir...



Dernier volet de la trilogie Cœur d’Encore, « Mort d’Encre » marque le pas avec ses prédécesseurs pourtant déjà assez violents. Après Capricorne, le chef des incendiaires, et Basta, l’âme damnée, c’est au maître du château de la Nuit, qu’ils ont échoué à tuer, que nos héros se frottent.
Rendu éternellement agonisant par le livre vierge que Mo a relié et piégé, Tête de Vipère rêve de vengeance, et ne connaît aucune limite. Par l’intermédiaire de ses sous-fifres, qui ne lui arrivent même pas à la cheville en termes de cruauté, il lance la chasse au Geai bleu. Mo, qui est devenu le personnage créé par Fenoglio, voit le filet se resserrer autour de lui, au grand dam de sa femme et de sa fille.

Resa cherche alors à tout prix à les renvoyer tous les trois dans leur monde (le nôtre) avant que le monde d’Encre ne tue ce mari qu’elle croyait avoir définitivement perdu. Mais Fenoglio n’est plus capable d’écrire la moindre ligne, vautré dans le vin. Alors elle se tourne vers l’immonde Orphée, qui sous des dehors naïfs et poupins cache un fou ambitieux.

Orphée se révèle le second vrai méchant de cette histoire, après Tête de Vipère. Capable de copier le style de Fenoglio, grâce au dernier exemplaire de Cœur d’encre, et de donner vie aux mots par sa voix, il chamboule à son envie le monde qui faisait ses joies d’enfant : il crée des licornes pour que le Gringalet ait un nouveau gibier à chasser, il change les fées bleues en multicolores, et pour son petit confort, fait apparaître des trésors régulièrement.
Mais son ambition va plus loin : alors qu’il accepte enfin de ressusciter Doigt de Poussière, il compte bien en profiter pour livrer Mo aux Femmes blanches, et se débarrasser du Geai bleu en même temps que d’un autre Lecteur.

Nous sommes dans de la fantasy, et Orphée ne se gêne pas pour écrire des scènes formidables, mais de cruauté : ainsi met-il au point le piège pour le Geai bleu. Lors d’un spectacle d’Oiseau de Feu, le cracheur de feu bien plus mauvais que Doigt de Poussière ou Farid, les cuirassiers de la Vipère capturent les enfants d’Ombra. Mo est contraint de se livrer pour les libérer.
Mais n’est-ce pas une fois dans la place, tandis que Tête de Vipère vient à lui pour le forcer à réparer son livre, qu’il a le plus de chances d’y inscrire les trois mots qui mettront fin à son immortalité ?

Autour du Geai bleu se cristallisent les luttes de pouvoir, et les conflits familiaux. Les troupes de Tête de Vipère sont sans pitié, et il faudra tout le courage de Doigt de Poussière, revenu très serein du pays des morts, pour faire triompher le Bien et la justice. Mais que peuvent-ils contre un vieux fou que rien n’arrête et un magicien capable de changer le monde et l’avenir d’un seul paragraphe ?

Cornelia Funke nous tient une fois de plus en haleine sur 750 pages. La multiplicité des personnages pourrait nous perdre, il n’en est rien : au contraire, l’envie de savoir ce qui arrivera à l’un ou l’autre nous fait avaler les chapitres, dans un cercle vicieux qui nous laissera insatisfaits chaque fois qu’il faudra remettre le marque-pages, et impatients de pouvoir reprendre notre lecture. Le rythme s’accélère dans le dernier tiers du livre, mais le suspense durera jusqu’à l’avant-dernier chapitre. Difficile de savoir de qui viendra la délivrance : Mo, dans son rôle du Geai bleu, qui écrira dans le livre ? Doigt de Poussière, le héros original de l’histoire ? Ou Fenoglio, qui parviendra à reprendre la plume et, porté par l’inspiration, écrire une fin heureuse à son histoire ?

On tremble, tout le long de cette histoire. On en vient même à imaginer que cela finisse mal... Le retour d’anciens méchants, comme la sorcière Mortola, n’est guère pour nous redonner confiance en la victoire. Même lorsque les méchants s’entretuent, entre seconds rôles, leurs maîtres en ressortent grandis de noirceur, et plus difficiles à vaincre encore...

Il faudra une force plus puissante pour vaincre l’ambition, la cruauté, la trahison, la souffrance et la douleur. L’amour, bien sûr. Celui des parents (Mo et Resa, ou Roxane et Doigt de Poussière), mais aussi de Meggie, dont le cœur oscille entre Farid et un jeune brigand. Sans oublier l’amour filial : les pères de cette histoire ont des filles fortes et têtues, qu’il s’agisse de Meggie, Brianna ou Violante...

Une fois ce « Mort d’Encre » refermé, on hésite à rêver encore de plonger dans un monde de fantasy. Car si les aventures de Mo finissent bien, les épreuves mortelles nous ont donné des sueurs froides assez régulièrement, et les moindres temps mort nous ont à peine laissé souffler.
Mais n’est-ce pas ce que l’on était venu chercher ?


Titre : Mort d’Encre (Tintentod, 2007)
Série : Cœur d’Encre, tome 3/3
Auteur : Cornelia Funke
Traduction de l’allemand (Allemagne) : Marie-Claude Auger
Couverture et illustrations intérieures : Cornelia Funke
Éditeur : Gallimard Jeunesse (édition originale : Gallimard Jeunesse, Hors Série Littérature, 2010)
Collection : Folio Junior
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 1574
Pages : 782
Format (en cm) : 12,7 x 17,8 x 3,5
Dépôt légal : février 2011
ISBN : 9782070622061
Prix : 9,80 €


« Coeur d’Encre » sur La Yozone :
- « Coeur d’Encre », le film
- « Sang d’Encre », le livre


Nicolas Soffray
4 février 2012


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