Mais un autre mystère taraude le personnage principal de ce récit, le jeune philosophe Antisthène, qui fondera la branche des Cyniques : son ami Eupolis, dramaturge bien en vue, a mystérieusement disparu. Ces éléments pourraient-ils être liés ? En compagnie de son ami Hérion, un esclave affranchi, de son condisciple Socrate et de ses deux jeunes protégés, un certain Aristoclès que la postérité connaîtra sous le nom de Platon et une petite fille nommée Potoné, Antisthène mène l’enquête à travers une Athènes enfiévrée, agitée, et bientôt ensanglantée par des mouvements populaires.
Entres faux et vrais témoignages, complots réels et fictifs, menaces et sous-entendus, le narrateur découvrira des vérités étonnantes et complexes. Il fera son apprentissage des manœuvres retorses de ses compatriotes, et réalisera que les plus grands orateurs ne sont rien d’autre que des “vautours se déchirant la démocratie”. Un constat qui sera un peu plus tard confirmé par le stratège Nicias, lequel déclarera que “les deux extrémités du fil des sensibilités politiques athéniennes se rejoignent en un nœud en vue d’enserrer la cité dans le garrot d’une tyrannie”.
Ce récit à base de courtes scènes contient, à vrai dire, beaucoup plus d’Histoire que d’histoire. Essentiellement prétexte à décrire la vie de la cité d’Athènes, ses lieux et bâtiments publics, ainsi que les us, coutumes, mœurs politiques et autres caractéristiques de l’époque, elle offre une intrigue essentiellement basée sur des faits historiques, en brodant légèrement, en prenant certaines libertés – notons l’idée, assez habile, de simplifier les polémiques publiques en fusionnant trois individus de même tendance politique, Démostrate, Androclès et Pythonicos en un seul nommé Démoclès – et en y ajoutant quelques personnages imaginaires.
Cet ouvrage, s’il n’est pas particulièrement riche en péripéties pour son personnage principal, Antisthène (à moins que l’on ne considère, sans doute avec raison, que le personnage principal est en réalité Athènes, qui vit une année à la fois agitée et décisive), sacrifie néanmoins in fine aux rituels du polar en dévoilant, au fil d’une conversation classique entre les principaux protagonistes et enquêteurs, les clefs de ces multiples mystères. Une conversation qui n’a pas lieu dans un classique salon londonien, mais dans celui d’une trière (autre nom de la classique trirème) en route vers la Sicile.
Pour moitié récit policier, pour moitié thriller politique, ce récit fait donc la part belle à l’ouverture des jeunes lecteurs à la culture grecque et à l’une de ses époques les plus passionnantes. Si l’on peut reprocher quelques facilités – les personnages, prétextes à l’intrigue et aux notions historiques, ne sont pas développés outre mesure – ou des défauts mineurs – le fait que les personnages les plus jeunes s’expriment exactement comme de nos jours nuit quelque peu à une reconstitution historique par ailleurs méticuleuse – la segmentation en vingt-deux chapitres brefs permettra à tous d’avancer dans ce roman sans jamais se lasser.
Assumant pleinement son rôle éducatif, l’ouvrage s’agrémente de nombreux suppléments didactiques. Un semis de notes de bas de page, ni trop nombreuses ni trop indigestes, puis plusieurs annexes : un lexique, une série de notes au sujet des personnages réels, une double page consacrée à Platon, une autre à Sophocle, un extrait « Alcibiade vu par Plutarque », et enfin des éléments de bibliographie. Notons également que le volume est introduit par deux cartes, une d’Athènes en 415 avant Jésus-Christ, et une autre de la région méditerranéenne. Tous ces compléments, qui viennent éclairer et compléter utilement le récit, sauront intéresser le jeune public sans jamais l’ennuyer.
Titre : Les Profanateurs
Auteur : Martial Caroff
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Gulfstream
Collection : Courants noirs
Site Internet : page roman (site éditeur), page roman (site auteur)
Pages : 223
Format (en cm) : 14 x 22 x 1,9
Dépôt légal : janvier 2012
ISBN : 978-2-35448-145-0
Prix : 13,50 €
Martial Caroff sur la Yozone :
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