Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Chris Debien : un auteur Hors Zone.
Une interview Yozone
Janvier 2012

Les premiers amateurs de Chris Debien l’ont découvert dans l’univers des jeux de rôle.
Les autres l’ont suivi sur « L’Affaire du Boucher du Vieux Lille », une enquête/polar où pointait déjà le côté sombre de l’auteur.
Et ce fut le temps des novellisations avec « Lanfeust de Troy » et « Skyland », mélange de ses amours pour les jeux de rôle, la fantasy, les mangas et le côté fun.
En 2008, il revient avec une fantasy sanglante, dure, qui dérange tellement dans le milieu jeunesse, qu’elle devra s’achever dans les rayons adultes.
Ce n’est pas pour autant que Chris Debien est un être dépressif. Au contraire, le visage jovial, le contact facile et la répartie top niveau, Chris Debien séduit.
Mais le revoici avec une plongée dans la psyché humaine. Certes de la jeunesse, mais qui bouscule encore une fois. Et c’est bon !
Mais alors, Chris Debien, êtes-vous réellement aussi sombre ?




Chris Debien sur LA YOZONE :
- « Black Rain S01//E1-2 »
- « L’Eveil du Roi : Les chroniques de Khëradon T1 »
- « Les insoumis : Les chroniques de Khëradon T 2 »
- Interview de Chris Debien en 2009 pour les « Chroniques de Khëradön »


On dit souvent aux apprentis écrivains d’écrire sur ce qu’il connaisse. Pour le coup, vous avez tapé en plein dedans. Pourquoi vous être plongé dans votre univers de travail ?

Pour répondre à une nécessité, à une envie qui montait en moi depuis quelques années. J’ai ressenti le besoin de rendre hommage à tous ceux que je croise au quotidien dans l’exercice de mes fonctions, de rétablir certaines vérités sur la psychiatrie. Depuis quelques temps en effet, on assiste de nouveau à une stigmatisation de la maladie mentale alimentée par la mise en lumière de certains faits divers. C’est pour cela que j’ai choisi comme « héros » des adolescents étiquetés « malades », pour montrer qu’ils ne sont en fait pas si différents d’adolescents « standards ». De plus je voulais mettre en scène certains progrès récents et fulgurants de la psychiatrie. En fait « Black Rain » s’est imposé comme une évidence.

Avez-vous travaillé avec des adolescents en perdition comme ceux de votre roman ?

Je n’ai pas eu beaucoup à chercher pour rencontrer des adolescents en perdition : je les côtoie régulièrement aux urgences dans des situations qui restent toujours dramatiques ! Que ce soit au décours d’une tentative de suicide, de l’entrée dans une maladie psychiatrique ou encore d’une difficulté de vie, j’attache énormément d’importance à ce premier contact, à cette première rencontre. « Black Rain » leur rend hommage, tentant de montrer qu’au-delà de l’étiquette diagnostique qu’on leur colle, ce sont avant tout des êtres de sang et de sentiments qui se présentent devant moi.

Cet « Inside » vous paraît-il une thérapie possible ou n’est-ce qu’un délire scénaristique ?

Disons qu’il s’agit d’une extrapolation scénaristique. En effet, l’utilisation de la réalité virtuelle est déjà d’actualité depuis quelques années en psychiatrie. Certes, elle est réservée aux troubles anxieux, aux phobies en particulier, mais avec les progrès de la neuro-imagerie, de la neuro-chirurgie et des nanotechnologies, tout semble à peu près possible. Il est encore trop tôt pour savoir si des nanorobots seraient capables de modifier certains fonctionnements intra-cérébraux mais pourquoi pas ? Seul l’avenir nous le dira. D’ailleurs mon prochain thriller traitera d’une autre technique déjà utilisée en psychiatrie et qui pourrait sembler appartenir à la science-fiction : la stimulation intra-cérébrale profonde.

Encore une fois, vous avez écrit un texte sombre, presque déprimant. N’est-il pas difficile de toujours écrire « dur » ?

Je réfute ce terme de déprimant ! Mon texte est certes sombre mais pas désespéré, au contraire. Mes héros sont pleins de vie, d’envies, de révolte. Ils veulent changer leur monde voire le Monde. C’est vrai que je les ai plongés dans un univers difficile, sans repère, un univers bien éloigné du manichéisme caricatural que l’on retrouve dans la plupart des œuvres récentes…
Ce qui m’intéresse c’est justement de montrer qu’il existe en chacun de nous cette capacité à surmonter les difficultés, quelle qu’elles soient. Et puis, je ne suis pas le seul à traiter de sujets délicats : prenez « Hunger Games » ou « La Nuit des Enfants Rois », par exemple !

La scène de la page 260 est terrible. Pensez-vous qu’il a de l’espoir dans la vie tout de même ?

Décidément, je crois que cette scène va me poursuivre longtemps ! J’ai voulu traiter d’un sujet difficile (la pédophilie) sans pour autant cacher les choses. Toutefois, je tiens à rassurer les lecteurs, la scène est traitée de façon elliptique…
Cela n’a rien à voir avec l’espoir. Bien sûr que je crois en la possibilité de se reconstruire même si l’on a vécu des choses affreuses. Boris Cyrulnik en parle très bien avec sa notion de résilience. Ne pas parler des problèmes n’évite pas que cela arrive, au contraire ! Je montre juste comment certains adultes peuvent abuser de la crédibilité de plus jeunes ou de plus vulnérables qu’eux, c’est le processus qui arrive à l’agression qui est instructif pour les lecteurs pas l’agression elle-même.

Cette fois vous annoncez clairement vos goûts musicaux. Pourquoi avoir accordé une telle importance à la musique dans « Black Rain » ?

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu besoin d’une ambiance musicale spécifique pour écrire. À peine installé devant mon clavier, je mets mon casque sur les oreilles et j’enclenche un album ou une intégrale d’un artiste donné que j’écoute en boucle jusqu’à la fin du roman. La musique me permet de me couper du reste du monde, de m’immerger pleinement dans le récit et surtout elle suscite des émotions que je m’efforce d’utiliser et/ou de retranscrire dans mes textes.
Mais avec « Black Rain », j’ai voulu aller un peu plus loin : intriquer la musique dans le récit, instaurer une sorte de dialogue entre l’histoire et des paroles de chansons qui m’ont particulièrement marqué. Et puis j’ai essayé de retranscrire des morceaux entiers par les mots : j’ignore si j’y suis parvenu mais l’expérience a été particulièrement enrichissante pour moi. C’est ainsi qu’est né le groupe fictif Sons of Apocalypse qu’Adam écoute souvent dans le roman.

Vous utilisez beaucoup de références (Ciné, BD…). N’avez-vous pas peur d’éloigner une certaine partie de vos lecteurs ?

Bien au contraire ! La plupart des références que j’utilise font partie des grands classiques, d’une culture minimale qui a transcendé avec brio l’obstacle des générations. Et même si les plus jeunes ignorent les sources de ce qu’ils regardent, écoutent ou lisent aujourd’hui, ils partagent les mêmes références que les plus vieux. C’est la magie d’internet, des rééditions et des « remakes » !

Les personnages font souvent des rappels au B2K, l’avant 2000. De la nostalgie du siècle dernier ?

Bonne question. Je dois confesser que je n’avais pas vu les choses comme ça. Je me suis juste servi de ce que je connaissais sans arrière pensée. Je ne pense pas qu’il s’agisse de nostalgie, juste d’un hommage appuyé aux précurseurs dans certains domaines : que serait le cinéma d’anticipation sans « Blade Runner » ? Le Space Opéra sans « Star Wars » ou « Star Trek » ? La musique électronique sans les pionniers du break dance ? Le Métal sans Led Zeppelin ?
Mais ce n’est pas un regard que je jette en arrière en me disant « c’était mieux avant » plutôt un « purée, il y avait des types qui osaient des trucs nouveaux alors pourquoi pas continuer », c’est plutôt une incitation à faire un bilan pour mieux s’en détacher.

Le générique en BD est-il votre idée ? A-t-il un réel intérêt ?

Oui, oui et encore oui. Le générique s’est imposé là aussi comme une évidence. Dés le départ, je voulais écrire un récit « à la sauce » série télé or que serait une série sans son générique ? C’est sa marque de fabrique, son identité et il permet de se plonger immédiatement dans l’ambiance. Au début j’ai essayé de simuler un générique par écrit mais ça ne donnait pas grand-chose. L’idée d’une courte BD s’est alors imposée.
De plus, le générique de Black Rain va évoluer au cours du temps : quelques cases changent par ci par là… car il recèle de précieuses informations sur la résolution de l’histoire.

Pourquoi avoir structuré les choses comme une série TV ? Avez-vous vraiment construit votre roman différemment ou bien cette construction fait-elle partie de votre culture ?

Encore touché ! Eh bien effectivement je crois que cette construction fait partie de ma marque de fabrique à présent : j’avais déjà affiché cette volonté pour le « Cycle de Lahm » (ce qui m’a valu quelques critiques acerbes de la part des puristes) dans le domaine de l’Heroïc-Fantasy… J’aime beaucoup le rythme que cela impose, ça me stimule et ça m’oblige à surprendre le lecteur constamment.

Avez-vous prévu un nombre fixe de romans ou vous êtes-vous laissé la porte ouverte en cas de succès ?

La saison 1 comportera 6 épisodes (soit trois tomes)… mais la saison deux dépendra du nombre de lecteurs ! Ceci dit, l’histoire est déjà ficelée jusqu’à la conclusion de la saison 2.

Les épisodes 3 et 4 seront-ils aussi dérangeants ?

Si dérangeant signifie « générateur d’émotions fortes » alors oui, oui et oui ! Mais si la question est s’enfoncera-t-on gratuitement dans un univers désespéré ?, la réponse est bien évidemment non !

Merci beaucoup Chris.


Michael Espinosa
4 janvier 2012


JPEG - 20.2 ko



JPEG - 34.5 ko



JPEG - 57.8 ko



JPEG - 54.5 ko



JPEG - 34.4 ko



JPEG - 38 ko



JPEG - 44.2 ko



Chargement...
WebAnalytics