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Spirale de Lug (La)
Jonas Lenn
La Clef d’Argent, Ténèbres et Cie, roman (France), feuilleton steampunk français, 139 pages, mai 2005, 9€

La mort de son vieil ami, le Père Wallace Buchanam, a secoué Coolter : Quincampoix le trouve tout hébété. Pour le revitaliser, ils décident de mener leur enquête, car le bon curé sarthois n’est pas mort naturellement.
Coolter découvre alors la face cachée de son vieux camarade. Fidèlement secondé par Quincampoix au mieux de ses capacités, le détective anglais va plonger dans les mystères de la Spirale de Lug, un mystérieux passage vers une autre terre, passage convoité par la Garde Noire, une bande de pas-jojo qui fait tache dans le patrimoine historique du Mans.



« La Spirale de Lug » est une petite réussite. Petite, car avec ses 140 pages, elle se dévore, avec délectation, et comme une friandise on se mord les lèvres après l’avoir finie. Fort heureusement, si on boucle l’enquête sur la mort du Père Buchanam, le mystère de la Spirale de Lug n’est pas entièrement levé, et on poursuivra avec plaisir l’aventure dans « Captifs de Terroma ? », le tome suivant.

Certes, le bouquin est mince, et peut paraître cher, mais Jonas Lenn, certes à l’époque débutant, aujourd’hui éclectique et talentueux, nous en donne pour plus que notre argent.

La collection Ténèbres & Cie, initié par Philippe Gindre et Christian Hibon, nous ouvre les portes de l’IEA, l’Institut d’Ethnocosmologie Appliquée, le service d’étude des trucs bizarres le plus pointu du Jura (le siège est à Dôle), voire du monde. Jonas Lenn en reçoit les clefs, et fait honneur à la maison.

Coolter et Quincampoix sont bien entendu des pastiches de Holmes et Watson. Le détective anglais n’a rien à envier au héros d’Arthur Conan Doyle, et fait même montre d’une plus grande culture et d’un humour dont l’à-propos est parfois désarçonnant, tout comme les exclamations, en anglais dans le texte (tels « Wonderful ! » ou « Thunder ! »). Isidore Quincampoix, en bon old chap, endosse pour sa part le triste rôle du faire-valoir, un peu lourdaud de corps comme d’esprit, rétif à l’action acrobatique ou aux investigations ténébreuses, opaque à des raisonnements qui semblent lumineux à son collègue, mais toujours fidèle au poste, d’un grand secours parfois à son insu, quand son pragmatisme (ou sa frilosité) ne sauve pas le duo des conséquences fâcheuses de l’impétuosité de Coolter. Mais les deux amis savent se retrouver autour des plaisirs simples d’un bon pub (encore qu’ils se font de plus en plus rares...).

Dans cette aventure sarthoise, loin des monts jurassiens, Jonas Lenn se fait notre guide au Mans, enracinant sa prose dans une connaissance savante de la ville, qu’il attribue à Coolter, mais qui n’assomme pas le lecteur. Il en va de même des multiples citations fort érudites dont Coolter émaille l’enquête sur la mort de son ami. Ramenant dans leur sillage un jeune séminariste, les deux esprits s’affrontent amicalement à coups de références, laissant souvent Isidore à la traîne. Du roman se dégagent quelques intéressantes esquisses de réflexion sur la religion, le fait de croire ou non, et le respect de la foi d’autrui, qui s’applique également au mystérieux chemin vers Terroma qui est au centre de cette affaire.

On croit ressentir une verve à la Michel Audiard au détour de certaines répliques, l’argot laissé de côté au profit de termes riches, parfois désuets, qui brouille un indicateur qui fait défaut : on sera bien en peine de dater ces aventures. Les derniers chapitres, pour les novices de l’IEA, réservent quelques surprises de taille, qui font définitivement pencher cette enquête en milieu rural vers le steampunk (ou plutôt, comme le dit la 4e de couverture, sa version française : le gazopunk). Que les craintifs se rassurent, la touche est légère et n’entache en rien l’aspect thriller-ésotérique-avec-des-nazis et le côté feuilleton milieu XXe revendiqué par la couverture.

C’est juste un peu tout ça à la fois, et plus encore...

Enfin, saluons la qualité du travail de Sylvain Chevalier, qui signe non seulement la couverture mais également les planches illustrées intérieures, qui ajoutent au charme rétro de ce petit bouquin.

On rit, on frissonne, on opine, on hausse le sourcil, on claque de la langue, on approuve du chef... Chaque paragraphe recèle de ces petits détails qui hissent la narration comme l’histoire un cran au-dessus du simple divertissement. Jonas Lenn n’en fait pas des tonnes, mais sait appuyer les traits des différents genres qu’il emploie, avec un sens du théâtral parfait pour cette histoire d’aspect fourre-tout, qui s’avère finalement un feu d’artifice sur le fond comme la forme.


Titre : La Spirale de Lug
Auteur : Jonas Lenn
Couverture et illustrations : Sylvain Chevalier
Éditeur : La Clef d’Argent
Collection : Ténèbres et Cie
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 7
Pages : 139
Format (en cm) : 20 x 13 x 1,5
Dépôt légal : mai 2005
ISBN : 2908254468
Prix : 9 €



Nicolas Soffray
8 janvier 2012


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