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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Guillaume Lebeau : l’écrivain qui rêvait de glace.
Une interview Yozone
Novembre 2011

Guillaume Lebeau est un nom qui résonne bon le polar et le thriller.
Cet amateur des pays nordiques et de leur littérature a même publié des essais sur Stieg Larsson. Mais aussi sur Fred Vargas, autre grande dame du polar.
Mais Guillaume Lebeau est surtout un raconteur d’histoires. De celles qui font mal et qui saignent, mais toujours avec un fond de réflexion indispensable.
Il a aussi une vocation de directeur de collection et de scénariste.
Un auteur complet qui construit son œuvre livre après livre, avec évidemment un penchant pour les mauvais genres.
Mais qui est finalement Guillaume Lebeau ?
Quelques réponses dans l’interview qu’il nous a accordée avec gentillesse.




Guillaume Lebeau sur LA YOZONE :
- « L’empreinte du trident : La Saga de Sakari – T2 »
- « Banquises de Feu : La Saga de Sakari – T1 »
- « Le Mystère du Quatrième Manuscrit : Enquête au Cœur de la Série Millénium »
- « Le Club Van Helsing (Saison 1) »
- « Le Club Van Helsing (Saison 2) »
- « Horreur Boréale »


Bonjour Guillaume Lebeau. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?

Je suis un raconteur d’histoires dont le corps est habité par un esprit voyageur. J’écris depuis une vingtaine d’années, explorant avec précaution des domaines qui me passionnent : le thriller, la littérature jeunesse, les essais, la BD et le cinéma. L’humanité étant en demande croissante de récits, je suis donc assuré de pouvoir m’exprimer encore longtemps.

Vous êtes un auteur connu dans le monde du polar français et du thriller en passant par le fantastique. Avec « La Saga de Sakari », vous faites votre entrée dans la littérature dite de jeunesse. Etait-ce une intention de venir faire découvrir des textes aux plus jeunes ou bien avez-vous écrit Sakari sans vous poser la question ?

Honnêtement, je ne me pose jamais la question de savoir pour qui j’écris. « La Saga de Sakari » est une trilogie qui a été pensée pour résonner dans tous les cœurs, les plus vieux comme les plus jeunes. Bien entendu, l’univers de Sakari a trouvé un éditeur jeunesse, et non des moindres. J’en suis véritablement heureux. Mais finalement, dans un monde parfait, ces romans dits « jeunesse » ne devraient-ils pas être publiés sous la bannière « tout public » ?

D’où vous vient cet amour pour les pays nordiques ?

Je n’ai pas choisi ces pays. C’est toute ma vie qui m’a conduit vers eux, je crois. Là-bas, je recherche le froid et l’isolement. Pourquoi le froid ? Parce que le froid génère le mouvement, pour se réchauffer, et que le mouvement c’est la vie. Quant à l’isolement, il m’élève. Au-dessus de la vie réelle et des préoccupations de tous les jours. Je trouve au nord de toutes choses des réponses intimes, que le bruit de nos civilisations m’empêche de percevoir. J’y construis des images. J’y apprends des mots. J’y capte des sons. Nombre de mes romans ou de mes scénarii s’y enrichissent, y plongent leurs racines. Un jour peut-être, je ne ramènerai plus rien de ces contrées septentrionales, car je vivrai en Islande. Définitivement.

Connaissant vos autres livres, pourquoi une héroïne et pas un héros musclé ?

La guerre est un mot féminin et il s’agit pourtant d’une activité essentiellement masculine. De cette simple réflexion est née l’idée d’incarner la guerre dans un personnage d’adolescente à laquelle j’attache deux compagnons, Kaspar, l’inventeur et Bisoo le chaman. Une trinité nordique en quelque sorte ! Et puis, plus j’avance en âge et plus je suis persuadé que la femme est l’avenir de l’homme…

On ne peut pas vraiment classer dans un genre votre série. Cela vous embête-t-il ou non ?

Dans un monde qui a besoin d’étiqueter ses produits, je revendique le droit de brouiller les pistes. En Scandinavie, la frontière est plus ténue entre les différentes formes de littérature. Je trouve ça plutôt sain. L’important, c’est de lire un bon roman, non ? Qu’il soit de SF, de fantasy, qu’il s’agisse d’un thriller ou d’un essai. Allez, je vous aide, disons que « La Saga de Sakari » est une trilogie de fantaisie polaire naturaliste.

Dans le tome 2, on comprend que vous voulez vous attaquer aux mythes universels. D’où vous vient cette passion ?

J’ai cette ambition, à travers la trilogie de Sakari, de relier les mythes universels, de les fondre dans le même creuset et d’en obtenir un alliage inoxydable au service de l’histoire et non de l’idéologie. Les mythes, les Récits, ont fondé l’humanité. Aujourd’hui, le storytelling, appliqué au management, à la politique, à l’économie, tente de nous imposer un nouvel ordre narratif en se substituant aux Récits fondamentaux. Je m’y oppose.
Deleuze prétendait que la fonction du mythe était d’inventer « un peuple qui manque ». Je m’y évertue.

Le tome 2 semble plus lent que le tome 1. Etait-ce une intention voulue, comme un moment de transition avant le grand final ?

Non, je n’ai pas eu l’impression de l’écrire avec un rythme plus lent. Plus intime peut-être. « Banquises de feu » propulse le lecteur au cœur d’un conflit dantesque. Où l’individu disparaît sous la rage, le combat, la destruction. « L’Empreinte du trident » emmène le lecteur sur des rivages apparemment apaisés. Mais ce n’est qu’un leurre. Car voyager n’est pas guérir son âme ! Quant au dernier tome de la trilogie, je peux vous confier un secret, il offrira aux lecteurs la plus grande bataille qu’ils ont jamais lue.

Avez-vous dans votre série un personnage préféré ?

Je ne risquerais jamais de froisser mes personnages en avouant une ou des préférences. Ces bougres sont rancuniers et font payer chèrement à leur auteur la moindre infidélité. Sincèrement, il me semble que je leur voue une véritable affection. Vous savez, tous ne sont peut-être que des morceaux éclatés d’une même personnalité.

En écrivant pour la jeunesse, avez-vous dû mettre de l’eau dans votre vin, et si oui, de quelle manière ?

Je ne bois pas de vin, uniquement de l’eau des glaciers islandais ! Plus sérieusement, je ne suis pas du genre à affadir mes histoires en fonction du lectorat. Ce serait, dans le cas qui nous occupe, afficher une forme de mépris pour la jeunesse, estimer qu’elle ne peut recevoir que des récits passés au tamis. Les éditeurs de Rageot n’étant pas des censeurs, chaque roman composant « La Saga de Sakari » est le reflet exact des mots que j’ai choisis.

Vous vous retrouvez directeur d’une collection de thrillers chez Rageot dont les premiers titres sortiront en mars 2012. Un retour à vos premiers amours ?

Je n’ai jamais quitté le thriller. D’ailleurs, en novembre, paraît chez Marabout, « Le Troisième pôle », première enquête de la paléoclimatologue Smila Sibir. Cette collection, Rageot Thriller, est le fruit d’une rencontre avec un éditeur audacieux qui accompagne ce projet avec une réelle ambition et de véritables moyens. Il s’agit d’une première dans le monde de l’édition jeunesse. Il n’existe, à ma connaissance, aucune collection dédiée exclusivement au thriller pour Young Adults. Il est un peu tôt pour développer, mais nous y reviendrons, j’en suis certain.

Comment s’est fait le choix des auteurs ?

La valeur essentielle pour choisir un auteur, c’est le talent. C’est la somme de leur talent qui fera la force de la collection. Je ne les choisis pas, ils s’imposent à moi, au gré des lectures ou des rencontres.

Quelles sont les orientations éditoriales de cette collection ?

La collection Rageot Thriller est un espace de création et d’expérimentation où s’expriment toutes les formes de thrillers : scientifiques, ésotériques, romantiques, politiques, psychologiques… Y seront publiés des romans inédits écrits par des auteurs français confirmés, amateurs ou spécialistes du genre. Le « friller », ou french thriller est armé pour en découdre avec ses rivaux anglo-saxons, croyez-moi.

Y aura-t-il de nouveaux auteurs qui arriveront peut-être avec un premier roman dans la collection ?

Je lis absolument tous les manuscrits que l’on m’adresse. Si un premier roman retient mon attention et celle de Rageot, rien ne s’opposera à sa publication.

Le public des ados vous paraît-il difficile à conquérir ?

La difficulté, c’est de comprendre que le monde change et comment il change. Le rapport des adolescents à la lecture se modifie. Les loisirs numériques, chronophages, empiètent sur leur temps de lecture papier, que j’opposerais au temps de lecture numérique. Car disons-le clairement, les jeunes ne lisent pas moins, mais différemment. La page est devenue un écran, c’est tout. L’enjeu consiste donc à convaincre ces jeunes gens qu’ils trouveront dans nos livres autant d’émotions, sinon plus, que dans le cyberespace, devant un film, une série télévisée ou un jeu vidéo. Il faudra peut-être également insister sur une donnée essentielle. Le livre demeure le loisir le moins cher mis à leur disposition. Le livre est vendu sans abonnement. Nul besoin de périphériques pour le compulser.
Avec Rageot, nous avons de petites idées, pour ramener à la lecture et donc à l’aventure, les adolescents égarés !

Question d’actualité : y a-t-il encore de l’espoir pour le livre papier dans les années à venir ?

La question n’est pas de savoir s’il reste de l’espoir pour le livre. La question est : avons-nous envie de nous battre pour sa survie ? Personnellement, je pense que le livre n’est pas moribond. À nous de publier des histoires meilleures, des livres plus beaux. À nous de réinventer cet objet magique. À nous de penser l’hypertexte, le livre enrichi… À nous de réinventer le marketing du livre. C’est du travail. Mais c’est un boulot qui me passionne.

Où aimez-vous travailler ?

En Islande, dans une petite ville construite au fond d’un fjord et baptisée Akureyri. Là, les interférences du monde s’estompent et je peux travailler en paix.

Avez-vous une méthode de travail particulière ?

La constance et la rigueur. Je crains qu’il n’existe nulle autre méthode pour venir à bout d’un roman. Il faut s’astreindre à écrire chaque jour, le mieux possible.

Avez-vous un objet fétiche pour écrire ?

Je collectionne les jouets liés au cinéma et les mugs. Alors, vous comprendrez que j’ai plusieurs objets fétiches. L’un de ces mugs vient du Double R, le diner de Twin Peaks. Je l’ai ramené à l’occasion d’un pèlerinage à North Bend, près de Seattle.

Avez-vous un rituel avant de commencer un livre ? Pendant l’écriture ? Après l’avoir terminé ?

Je range mon bureau avant d’écrire un nouveau roman. Comme je suis un tantinet « bordélique », ce bureau se remplit en cours d’écriture. Et à la fin du roman, je libère de l’espace à nouveau.

Auriez-vous quelques conseils à donner à un aspirant-écrivain ?

Aujourd’hui, nous sommes tous des écrivains. À travers les réseaux sociaux, les blogs, les messageries instantanées, nous alimentons la planète en micro récits. Pourtant, il ne faut jamais oublier que l’important, ce n’est pas de commencer à écrire une histoire, mais d’apprendre à l’achever. Voilà la seule règle d’écriture. Pour le reste, Gogol, qui peinait à achever le deuxième volume des « Âmes mortes », écrivait : « Apportez au monde vos récits naïfs ! » J’aime ce slogan.

Quel est votre futur éditorial ?

Il est riche. Je vous le disais, le mois de novembre sera celui de mon retour au thriller adulte avec le premier volet d’une série aux éditions Marabout, intitulé « Le Troisième pôle ». Début janvier, chez Denoël Graphic, paraîtra un roman graphique consacré à la vie de l’auteur de « Millénium », Stieg Larsson. Une première mondiale dont le dessin a été confié au génial Frédéric Rébéna. Ensuite, viendra le temps du lancement de la collection Rageot Thriller, puis celui du développement d’un long-métrage d’action pour le réalisateur de « Taxi », Gérard Pirès.
Et ce ne sera que le début de l’année 2012 !

Merci beaucoup Guillaume.


Michael Espinosa
5 novembre 2011


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