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Cas Jack Spark (Le) T.1 : Eté Mutant
Victor Dixen
Gallimard Jeunesse, Pôle Fiction, n°23, roman (France), fantastique/féérique/effrayant, 623 pages, juin 2011, 8,50€

Jack Spark est admis de justesse au lycée. Ses insomnies nuisent beaucoup à sa réussite scolaire, aussi ses parents, plutôt que l’envoyer chez son papy pâtissier pour les vacances, l’ont inscrit à un camp d’été dans le Colorado.
Mais sur place, la colo ressemble plus à un centre de redressements pour ados difficiles. Et les bizarreries s’enchaînent : les moniteurs qui se prennent pour des légendes de l’Ouest, et le programme santé du docteur Krampus, un géant pâle effrayant, a de quoi surprendre : régime sans le moindre gramme de sel et séances d’électrochocs...
Jack se fait quelques amis : le ténébreux Josh, Ti-Jean le grand Black, et surtout la jolie Sinead. Tous ont leurs problèmes, plus ou moins grave... Mais celui que Jack va se découvrir les dépasse tous : au fond de lui, sommeille une Chaleur destructrice capable du pire lorsqu’il se met en colère...
Très vite, Jack va enquêter et réaliser qu’il partage ce terrible secret avec d’autres éléments du centre, et pas des plus recommandables...
Être un ado mal dans sa peau et amoureux ne suffisait pas, il faut aussi qu’il soit un monstre ?



« Le cas Jack Spark » était nominé aux Imaginales, catégorie collégiens, et a reçu le Grand Prix de l’Imaginaire 2010. Distinction suprême, aussi est-on en droit de s’attendre à de l’excellente littérature. On n’est pas trop déçu. Mais pas complètement satisfait non plus.

J’en ai déjà dit beaucoup dans le paragraphe ci-dessus à propos de l’intrigue, et je vais essayer de me taire (le plus possible). Sachez seulement que « Le Cas jack Spark », côté imaginaire, convoque les contes de fées classiques, réemployés à la lumière de la science des trois derniers siècles. Les ondes, « magie invisible », sont la clé de voûte de la féérie gothique qu’on découvre ici.

L’histoire est donc assez originale, même si sa construction reste somme toute classique : des jeunes enfermés dans un camp, des amitiés se forment, des rivalités et des jalousies également. On aura notre part de personnages stéréotypés dans les seconds rôles, et hormis Doug, le « chef des vilains » qui révélera quelques qualités en fin de tome, la plupart resteront unidimensionnels.

Les évènements s’enchaînent sans heurt : Jack se découvre des pouvoirs, et enquête sur les bizarreries du camp, fait bientôt le rapprochement entre les deux, et comprend (plus ou moins vite) qu’il appartient à la même race que les méchants : s’ensuit un cas de conscience et une interrogation sur son humanité, que le soutien inconditionnel de ses nouveaux amis aide à résoudre. Les plans de chacun se bousculent jusqu’au chaos le plus total dans une titanesque bataille finale.
Donc, rien de nouveau sous les étoiles.

Les quelques originalités à évoquer sont notamment l’inclusion direct dans le texte d’onomatopées dans une typo très « comics ». C’est un point majeur qu’ont retenu tous les lecteurs, néanmoins Victor Dixen ne l’érige pas en système, aussi cela vient-il égayer de temps en temps le récit, mais heureusement il n’y en a pas toutes les pages. On a évité le trop, pour sombrer dans le pas assez, et démontrer leur relative inutilité : en leur absence, on s’en passe très bien.

L’auteur a fait le choix d’une narration à la première personne, accentuant le flou entre son héros et lui-même, base du marketing de son histoire (et une des premières choses qui m’a fait fuir initialement, en plus du look trench-coat et lunettes fumées que l’auteur arbore en permanence). C’est une demi-réussite, car si régulièrement Jack montre clairement qu’il ne se souvient plus exactement d’un truc appris en classe (sur la mythologie, l’histoire ou les sciences) il a souvent la bonne réponse. Parfois il affiche même des connaissances pointues (en architecture, notamment, à son arrivée au camp, ou en histoire des religions), en totale opposition avec son prétendu faible niveau scolaire. Certaines tournures sont empruntées, illogiques dans la bouche ou la tête d’un ado de 15 ans...

Cependant, au crédit de l’auteur, on notera l’attitude bornée de Jack, pour le coup très adolescente : il part bille en tête sans trop réfléchir la moitié du temps. Certaines déductions évidentes au lecteur (malgré peu d’indices, toujours du fait de ce point de vue narratif restrictif) lui passeront loin au-dessus, car, borné, il reste sur sa première hypothèse (comme l’épisode de « la charrette des enfants »).
Idem pour ses relations avec les autres : d’une jalousie extrême depuis qu’il est tombé sous le charme de Sinead, il oublie qu’il ne la connaît que depuis quelques heures de plus que les autres garçons du groupe, qui sont déjà devenus ses amis pour la vie.
On prendra donc ces va-et-vient d’humeur pour du réalisme adolescent, même s’il devient vite évident que l’auteur s’en sert aussi pour ralentir la révélation de son intrigue.

Sur les 600 pages de ce poche, il faut bien atteindre la moitié avant de voir les révélations s’enchaîner.
Privilège encore de la narration interne, Jack a le chic pour surprendre des conversations ou obtenir, avec sa gentillesse et son joli minois, des aveux très très détaillés, qui enrichiront alors rapidement l’univers créé par Dixen et la compréhension que nous en avons.

Reste que beaucoup des thèmes abordés (mis en exergue par l’éditeur : « des thématiques totalement inédites ») sont sous-exploités : parmi les maux des pensionnaires, hormis la manie de la désinfection de Ti-Jean et l’épisode du tas de fumier, aucun ne s’avère déterminant dans l’histoire. L’obésité de l’un ou l’homosexualité d’un autre sont vraiment là pour dire « on en parle » et évacués par un bête « c’est mon copain, je l’aime comme il est » adolescent.
Certes, cela fait passer la différence de Jack au même niveau que ces soi-disant « tares » que le camp devait « guérir », mais bon, c’est un peu faible...

Donc, si l’histoire et l’univers créé tiennent la route, accrochent assez rapidement le lecteur ado ou adulte (je sais plus où je me mets, moi...) au point qu’après la fin brutale on n’a qu’une envie, lire les 2 tomes (pardon, « saisons ») suivantes déjà parues chez JC Gawsewitch, il faut admettre qu’on aurait pu en attendre plus sur la forme et la profondeur des personnages pour un Grand Prix de l’Imaginaire. Des lacunes corrigées par la suite ? Nous verrons bien.


Titre : Été Mutant
Série : Le Cas Jack Spark, tome 1
Auteur : Victor Dixen
Couverture : Gettyimages / Jonatan Fenstrom
Éditeur : Gallimard Jeunesse (édition originale : JC Gawsewitch, 2010)
Collection : Pôle Fiction
Site Internet : page roman (site éditeur) , page roman (éditeur original)
Numéro : 23
Pages : 623
Format (en cm) : 17,8 x 10,8 x 3
Dépôt légal : juin 2011
ISBN : 9782070640508
Prix : 8,50 €


(je n’ai rien dit de la petite dizaine de coquilles et petites erreurs relevées d’un œil, car sur 600 pages, c’est relativement acceptable... )


Nicolas Soffray
16 septembre 2011


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