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Aventures de Northwest Smith (Les)
Catherine Lucille Moore
Gallimard, Folio SF, nouvelles, traduites de l’anglais (États-Unis), SF - Space Opera - Fantastique, 560 pages, octobre 2010, 8,90€

Northwest Smith est un pilote de vaisseau spatial, un rien contrebandier, plongé dans des aventures toutes plus étonnantes les unes que les autres.
Entre Vénus et Mars, quelque part dans le système solaire, de tavernes en mystérieuses rencontres, à la recherche d’un peu d’argent pour assouvir sa soif de segir-whisky (ou d’autres breuvages) avec son copain vénusien, il n’hésite pas à braver tous les dangers.

Folio SF a l’excellente idée d’éditer enfin la totalité des douze nouvelles composant les récits du premier aventurier de l’espace. La treizième se trouvant, comme à l’habitude en France, dans le recueil consacré au personnage de Jirel de Joiry dans un second volume publié dans la même collection.

Y’a pas à dire, nous balancer ça de 1933 à 1940, c’était pas rien !



Née en 1911, décédée en 1987, Catherine Lucille Moore a été l’épouse de l’écrivain Henry Kuttner qui fut également son compagnon en écriture sous le pseudonyme commun de Lewis Padgett, un des meilleurs auteurs du fameux Âge d’Or de la SF (cf. « Tout smouales étaient les Borogoves » de 1943, traduit par Boris Vian et publié originellement au Mercure de France).
Bien que Catherine L. Moore interrompe définitivement ses activités d’écrivain en 1963, elle laisse une empreinte majuscule dans notre univers littéraire de prédilection.

Si l’on utilise à tort ou à raison l’appellation incontrôlée de Grande Dame de la SF pour nombre de romancières qui ne méritent pas obligatoirement ce titre symbolique, il faut savoir que Catherine L. Moore fut la première et que personne ne lui contestera cette juste reconnaissance.

Écrire et arriver à faire publier la nouvelle « Shambleau » dès 1933 (à 22 ans !) dans le magazine Weird Tales n’était pas un mince exploit pour une jeune femme (et boucler la série entre 22 et 29 ans laisse rêveur). Qui plus est, ce texte et bien d’autres dans ce recueil sont toujours près d’un siècle plus tard des réussites avérées.
Le sens de l’aventure, un style finement ciselé et doté d’une grande poésie, des personnages attachants, des références à la mythologie antique intelligemment intégrées, autant d’éléments qui se côtoient sans jamais choquer ni perturber le lecteur, bien au contraire.

Les douze nouvelles présentées dans cette édition font donc figure d’intégrale de Northwest Smith (trois textes de plus que dans les précédentes éditions hexagonales) sachant que « La Quête de la Pierre-Étoile », écrite en collaboration avec son mari Henry Kuttner, a toujours été incluse par chez nous dans le volume consacré à son autre personnage fétiche, la châtelaine guerrière d’origine Française « Jirel de Joiry » (Folio SF 380) -bien que Northwest Smith y apparaisse également.

Il est tout à la fois difficile et compliqué de vanter les mérites d’histoires souvent construites sur les mêmes principes et agrégeant les mêmes qualités littéraires.
On se bornera donc à signaler la justesse du ton de Catherine L. Moore qui suscite toujours l’étonnement et la curiosité en s’appuyant sur une écriture qui coule d’elle même, nectar limpide et vivifiant d’une grande pureté.
Du mystère, de l’horreur, du suspense, beaucoup de mélancolie, un traitement culotté des rapports sociaux entre les différents habitants des planètes colonisées par les terriens en référence au racisme de son temps, une grande culture jamais étalée pour frimer, mais utilisée pour structurer des récits envoutants, le talent est là, évident.

Autre invention de Catherine L. Moore pour l’époque, Northwest Smith (Northwest of Earth -de la Terre, en vo) est également un héros atypique. Loin de chercher les ennuis, rêvant plutôt de passer des bons moments avec ses amis dans une taverne accueillante, l’astronaute contrebandier n’a pas la volonté d’être un risque-tout capable de sauver le monde par sa seule présence en courant au-devant des ennuis afin de se mettre en valeur. Non, Northwest subit les événements plus qu’il ne les provoque.
Certes, on peut reprocher à ses aventures de ne pas obligatoirement proposer des intrigues haletantes par leur suspense, mais bien par la façon dont elles sont racontées. Un primat de la forme sur le fond qui apparaît très clairement dans le dernier texte (« Chanson sur le mode mineur »), où Northwest Smith fait le résumé de sa vie en quatre sublimes petites pages, l’écrivain gravant une épitaphe touchante aux aventures de son héros.
On pourra aussi, comme l’avait fait H. P. Lovecraft lors de la parution de « Shambleau », trouver que le décor spatial est une proposition un peu artificielle, mais si un génie peut raisonnablement chipoter sur les écrits d’une collègue à qui il reconnait toutes les qualités, nous ne nous permettrons que de signaler son avis sans totalement le partager.
Ceci dit, il suffit de lire ces douze nouvelles petit à petit, puisque de toute façon on peut apprécier chaque texte séparément, aucun n’ayant de lien de suite avec le précédent, afin de s’imprégner durablement de l’état d’esprit qui préside à ces superbes créations.

On n’oubliera pas non plus de saluer le remarquable travail éditorial de la collection Folio SF et de son directeur, Pascal Godbillon (même si l’on a un peu de mal à oublier les couvertures J’ai Lu du grand Caza, soyons francs !).
Traductions révisées et complétées, présentation des textes dans leur ordre chronologique d’édition, une préface particulièrement intéressante et complète de Serge Lehman, c’est du sérieux, de l’efficace, du respectueux, du mérité.

Northwest Smith dispose enfin d’un écrin hexagonal à la hauteur de ses aventures et Catherine Lucille Moore peut enfin être redécouverte par toute une génération de lecteurs qui ne devraient vraiment pas rater cette occasion.


Titre : Les Aventures de Northwest Smith (Northwest of Earth, 1933-1940)
Auteur : Catherine Lucille Moore
Traductions de l’anglais (États-Unis) : Georges H. Gallet et Sophie Collombet
Traductions révisées et complétées par : Sophie Collombet
Préface : Serge Lehman (Je te parlerai... dans mon propre langage)
Nouvelles : Shambleau, La soif noire, Rêve écarlate, La poussière des dieux, Julhi, La nymphe des ténèbres (en collaboration avec Forrest J. Ackerman), Le dieu gris et froid, Yvala, Paradis perdu, L’arbre de vie, La femme-garou, Chanson sur le mode mineur.
Couverture : Hervé Leblan (illustration)
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF
Directeur de collection : Pascal Godbillon
Numéro : 379
Site Internet : fiche recueil (site éditeur)
Pages : 576
Format (en cm) : 10,8 x 2,5 x 17,8 (poche)
Dépôt légal : 2 octobre 2010
ISBN : 978-2-07-039583-5
Prix : 8,90 €



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