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Lilliputia
Xavier Mauméjean
Calmann-Lévy, Interstices, roman (France), littérature interstitielle, 456 pages, juin 2008, 18€

À la fin du XIXème siècle, quelque part en Europe Centrale, nait dans une famille de forgerons un garçon que l’on nomme Elcana. On découvre très vite la particularité du bébé : il s’agit d’un nain parfait. Plus tard, celui-ci développe une agressivité pour tenter de compenser sa petite taille. Un jour, en voulant protéger une jeune fille d’un viol, il blesse mortellement l’un des agresseurs. Recherché, Elcana doit partir. Sa fuite le mènera jusqu’en Amérique, sur une île au large de New York. C’est à Coney Island que Sebastian a construit son immense parc d’attractions dans lequel est reproduit la ville médiévale de Dresde. La reproduction est à l’échelle des Lilliputiens qui y vivent. Très vite, Elcana va rejoindre la brigade des pompiers.



Un temps considéré par Xavier Mauméjean lui-même comme son œuvre majeure, la plus aboutie et la plus mature (détrôné depuis peu par son dernier roman en date, « Rosée de Feu », paru récemment aux éditions du Bélial’), « Lilliputia » ne relève pas des littératures de l’Imaginaire à proprement parler. Aucun élément fantastique, ni même science-fictif, ne vient émailler le récit. Pas la moindre trace de magie au détour d’une page. Pourtant, de par son ambiance générale, certaines idées abordées (la monstruosité, entre autres, qui est un thème cher à l’auteur), et l’hommage rendu à la science-fiction de l’Âge d’Or, ce roman a toute sa place dans Interstices. Comme son nom l’indique, la collection créée en 2006 par Sébastien Guillot réunit des œuvres un peu inclassables, qui se retrouvent dans l’entre-deux, ni vraiment de la littérature générale, ni tout à fait de l’imaginaire. Interstitielle, telle pourrait être qualifiée cette frange de la littérature quelque peu à la marge qui ose franchement ce que d’autres ne tentent pas.

Parmi les nombreux thèmes abordés par Xavier Mauméjean dans son livre, il en est un qui lui est cher et qui parcourt toute son œuvre : la monstruosité. Bien sûr, à l’instar d’un Tod Browning et de son impressionnant long-métrage de 1932 « Freaks – La Monstrueuse Parade », Mauméjean nous dit là que la vraie monstruosité n’émane pas de ces nains ou des gens difformes du Steeple-chase, mais bien des gens dits “normaux”. Ceux-là justement qui montrent les Freaks, dans des parcs d’attractions “modernes”, ou dans son acception plus archaïque, comme les baraques de foire ou le cirque. Les vrais monstres, ce sont bien ces gens qui viennent, en masse, voir ces nains vivre, éteindre des feux, s’aimer...

La revisitation des mythes fondateurs parcourt aussi tout le roman de Mauméjean. Cette relecture du mythe de Prométhée par l’auteur est très intéressante car elle nous est donnée de façon subtile, par petites touches. En effet, de nombreux indices émaillent le récit jusqu’à l’apothéose finale. À nous de les retrouver, ou pas. Oui, car en effet, pour apprécier ce livre, il n’est pas nécessaire de repérer toutes les références. Cela n’empêche en rien le plaisir de lecture de ce splendide roman.

Oui, ce roman est magnifique !


Le souffle épique de cette histoire assez originale est porté par une écriture ciselée, sans fioritures et malgré tout pleine d’une poésie qui nous porte tout le long de notre lecture.

Dès ma découverte de Xavier Mauméjean, par l’intermédiaire de son septième roman, « Car je suis légion », et de nombreuses nouvelles par la suite, j’ai été subjugué par son écriture. Celle qu’il met en place ici n’a rien perdu de sa beauté. Bien au contraire. On sent la maîtrise acquise par cet écrivain qui commence à avoir une belle carrière derrière lui.

Le seul petit bémol que je pourrais trouver à cette histoire, c’est son final : la bataille qui clôt le livre est d’une telle ampleur qu’elle en devient presque absurde. J’ai eu l’impression qu’elle échappait totalement à son créateur. Bizarrement, c’est exactement la même impression que j’avais gardée de « Car je suis légion » : beaucoup de bruit et de fureur...

Mais franchement, cette légère note négative ne doit absolument pas vous faire passer à côté de cette lecture formidable car ce livre vaut vraiment le coup. Et le coup d’œil aussi car la magnifique couverture signée Néjib Belhadj Kacem (qui signe, si je ne m’abuse, l’ensemble des couvertures de la collection) fait de ce livre un magnifique objet.


Titre : Lilliputia
Auteur : Xavier Mauméjean
Couverture : Néjib Belhabj Kacem
Éditeur : Calmann-Lévy
Collection : Interstices
Site Internet : fiche du roman
Pages : 456
Format (en cm) : 15 x 23 x 3,1
Dépôt légal : juin 2008
ISBN : 978-2-7021-3942-4
Prix : 18 €



Antoine Chalet
28 janvier 2011


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