Tel est le postulat de départ de l’auteur combattant dans cette Zone du Dehors. Soit un espace de la proche banlieue de Saturne, habité par une humanité accrochée à sa sécurité et à ses petits privilèges alors que la planète mère a définitivement cessé d’agoniser.

Les utopistes du 19ème disaient « à chacun selon ses besoins », le Clastre, cette organisation sociale toute puissante, leur répond « à chacun selon notre décision juste, incontestable et acceptée par tous ». Et en effet, de contestation, il n’y en a point ou très peu puisque les normes sociales régissant le bonheur programmé et la sécurité prévisible de cette société du futur sont les résultats des choix librement consentis par l’humanité. Et le troupeau (aveugle ?) applaudit et file bon train jusqu’au jour où quelques rebelles vont créer La Volte. Une organisation révolutionnaire, prête à tout. Enlevez le « ré » de « révolte » et il restera « volte ».
L’énigme et la solution sont là.

La Zone du Dehors est donc l’histoire de cette Volte, qui n’aspire pas au bonheur de tous mais à la liberté et au libre arbitre de chacun et ce, quel que soit le prix à payer (des larmes, du sang et de la joie).

Si le style d’Alain Damasio, structuré, réfléchi et fougueux annonçait déjà la naissance de son futur chef-d’œuvre : « La Horde du contrevent », ce roman, purement SF, propose aussi une histoire, des personnages et une mythologie intérieure foisonnante. Le récit s’appuie évidemment sur les éléments constitutifs d’un bon roman d’anticipation ; création d’un espace intérieur technologique, élaboration d’une société « différente » de la nôtre, personnages en rupture permanente avec leurs destinés.

Lire La Zone du Dehors sur son seul premier degré est donc possible. La vérité est pourtant “ailleurs” et tient plus du principe de la fable philosophique et politique. Si certains ont longuement disserté sur les influences de Deleuze, Foucault ou Nietzsche -de l’art d’encenser un auteur en incitant les lecteurs de SF à partir en courant !- il vaut mieux ici parler de John Brunner, Thomas Dish ou Robert Silverberg. Auteurs connus, reconnus, parfois ardus à décrypter mais ayant au moins le privilège de ramener les brebis égarées vers une grange plus hospitalière...
Car Alain Damasio partage avec les grands de la SF, une faculté de création profondément originale et ambitieuse. On ne rentre pas obligatoirement dans son récit comme dans du beurre. Il faut un minimum d’effort, il faut persévérer dans l’envie, brusquer son esprit, forcer le courant, aller à contrevent -s’il me permet cette expression.

Comme le disait un ami de la Yozone et de bon conseil, « Tu vas voir, La Zone du Dehors , c’est du costaud ! ».
On confirme et on approuve !

Stéphane Pons

La Zone du Dehors
Alain Damasio
Couverture : Bruno Raymond-Damasio
487 pages
Dépôt légal : janvier 2005 (première édition mai 2001)
Format : 13,8 x 22,5 cm
Éditions CyLibris, 24, rue Greneta, 75002 Paris
Site Internet : La Zone du Dehors
ISBN : 2-84358-095-1
Prix : 18,29 euros

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