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Locke & Key (T1) Bienvenue à Lovecraft
Joe Hill & Gabriel Rodriguez
Milady Graphics

Peut-être connaissez-vous Joe Hill, cet américain né en 1962 dans le Maine, qui publie un recueil de nouvelles en 2005, « Fantômes - Histoires troubles » (JC Lattès, 2010), et reçoit le prix Bram Stoker pour le meilleur recueil de nouvelles en 2005 et le prix British Fantasy pour le meilleur recueil de nouvelles en 2006. Aujourd’hui, on le trouve avec le titre “Fantômes du XXe siècle” qui est plus conforme au titre original. Tout cela, sans claironner partout qu’il est le fils de... ?
Oui, cela sert toujours quand on peut se faire de la pub, mais lui souhaite qu’on réceptionne son livre sans à-priori. Et c’est plutôt réussi.
En 2007, il l’annonce pourtant : il est le fils de Stephen King et de Tabitha King.
En surdoué qu’il est, il plante un roman en 2008, « Le Costume du mort » (2 février 2010 chez JC Lattès), et reçoit le prix Locus du meilleur premier roman en 2008.
Que pouvait-il faire d’autre pour se distinguer. Bin tiens, une petite BD. Et nous arrivons à ce “Locke & Key”, sorti aux États-Unis en 2010. Ce sera le British Fantasy Award de la meilleure bande dessinée et des nominations dans les catégories « meilleure série » et « meilleur scénario » aux Eisner Awards.

Et oui, ce touche-à-tout est un génie, ses histoires font tilt et vous expédient du côté d’un fantastique qui manie l’horreur, qui distille la peur, l’effroi, le suspense insoutenable... Bienvenue à Lovecraft !



Et tout débute par un meurtre, celui du père de Tyler, Bode et Kinsey, trois enfants qui trouvaient que l’été se morfondait dans leur trou paumé à la campagne. L’intrusion brutale de Sam Lesser, un psychopathe habité par un mal intérieur qui semble lui ronger la cervelle, va changer tout le sens de leurs vies. En fait, il ne pilote pas vraiment la machine à tuer qu’il est, il est le bras, l’envie de tuer vient d’ailleurs, d’un puits sans fond où est emprisonné un être malfaisant.
De cette scène d’horreur, ils vont en réchapper par miracle, mais ils seront marqués à vie par ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont fait, même parce qu’ils ont pu souhaiter. Tyler, l’aîné, a souhaité un jour la mort de son père, juste devant cet imbécile de Sam Lesser... Il est brisé par les remords et la culpabilité. Kinsey, la seconde, se remémore sans cesse sa peur, alors qu’elle s’était réfugiée sur le toit, derrière la cheminée. Tétanisée par l’effroi, elle a presque étranglé son frère tant elle le serrait et s’est mordue la lèvre jusqu’au sang. Bode, le plus petit, fait comme il peut avec les souvenirs qu’il a ancrés dans sa jeune mémoire.

Avec leur mère, ils partent pour Lovecraft, dans le Massachusetts. Ils vont habiter un étrange manoir, Keyhouse, et essayer de s’y reconstruire. En fait, sans le savoir, ils se sont rapprochés de la source du mal, du puits sans fonds, de cette aura maléfique que leur père, sans aucun doute, a combattu autrefois, dans cette maison dont les clés ouvrent sur d’étranges phénomènes. Bode sera le premier à le tester, laissant sa vie, enfin son corps, s’affaler sur un pas de porte alors que de l’autre côté, il est devenu un pur esprit, un fantôme. Un jeu amusant pour le jeune enfant et une des trouvailles très sympa de la BD. Et les surprises, elles ne manquent pas dans ce premier tome qu’on lit d’un seul souffle tant l’histoire est remarquablement racontée. Joe Hill ne ménage ni ses personnages, ni ses lecteurs. Ici, on tue, on doute, on crève de peur, on tombe mais on se relève, surtout quand le cauchemar recommence et qu’il faut de nouveau affronter un Sam Lesser bestial.

La réussite de cette BD d’horreur tient à plusieurs éléments : la narration de l’histoire - même si des affaires d’envoûtement meurtrier, on a déjà donné - et surtout dans l’intérêt qu’on vient à porter à la famille Locke. Les personnages créés par Joe Hill sont fort bien campés, avec une mention pour le jeune Bode. Le rythme est intense, les liaisons de page à page sont excellentes, souvent surprenantes (vous verrez en tournant certaines pages), les flash-back bien amenés et le dessin est d’une force brute extraordinaire. Les clés du graphisme, c’est Gabriel Rodriguez qui les a. Un dessinateur chilien qui rôde souvent dans ces parages de l’horreur (il a illustré pour IDW « Clive Barker’s The Great And Secret Show », « Beowulf » et « George A. Romero’s Land of the Dead ») et qui se révèle totalement sur cette BD. Il joue des registres de la tension, mais aussi des émotions contradictoires (doute, rancune, honte, anxiété, joie... même s’il y en a peu, il faut le dire !). Son dessin a même une certaine douceur, quelques emprunts au style manga, une belle fluidité, avec un encrage épais qui donne de l’intensité aux personnages. Les couleurs de Jay Fotos ambiancent superbement les planches, soutenant ces atmosphères de déprime par des coloris estompés. Du très bel ouvrage.

Le choc passé, on se dit que “Locke & Key” est une BD totalement maîtrisée, qui distille avec force ses poisons diffus, ses épreuves morbides et des valeurs familales et de courage d’une intensité rare. Le plaisir est au rendez-vous et on en redemande le plus vite possible.
Oui, c’est ma BD de fin d’année 2010, une surprise horriblement enthousiasmante.
Après le sans-faute de “Rex Mundi” (vraiment top aussi), Milady Graphics nous surprend une seconde fois avec cette nouvelle et excellente trouvaille.

Tyler, Bode et Kinley, je vous adore. Tenez bon, même si c’est à Lovecraft !


Ah ! au fait, “Locke & Key” sera bientôt adapté pour la télévision américaine, sous la direction de Steven Spielberg.


(T1) Bienvenue à Lovecraft
- Série : Locke & Key
- Scénario : Joe Hill
- Dessin : Gabriel Rodriguez
- Couleur : Jay Fotos
- Éditions : Milady Graphics
- Dépôt légal : novembre 2010
- Pages : 168 pages couleur
- ISBN : 978-2-8112-0451-8
- Prix public : 14,90 €


Illustrations © Gabriel Rodriguez et Milady Graphics (2010)




Fabrice Leduc
11 janvier 2011




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Bienvenue à Lovecraft



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Le meurtre du père



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Une couverture US



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Kinley, poursuivie par Sam Lesser



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Bode sur une couverture US



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Le furieux de service, Sam Lesser.



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