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Fritz Haber (T3)
David Vandermeulen
Delcourt, Collection Mirages

Destin tragique et déplaisant que celui du chimiste Fritz Haber (Breslau, 1868 - Bâle, 1934), Prix Nobel de chimie en 1918 pour ses travaux sur la synthèse de l’ammoniac et considéré comme le « père de l’arme chimique » pour ses travaux sur le chlore et différents gaz toxiques. Dont cet ypérite de sinistre mémoire, qui tire son nom de l’expérimentation qui en fut faite en Belgique, dans les tranchées du côté d’Ypres, alors que s’éternisait la Première Guerre Mondiale. Plus qu’accessoirement, cet allemand issu de la petite bourgeoisie juive reste aussi pour avoir contribué à la mise au point du Zyklon B, cet autre gaz dont plus tard, après sa disparition, les nazis usèrent dans différents camps de la mort.



Troisième des cinq albums prévus, “Un vautour c’est déjà presque un aigle...” - titre un rien pompeux, ainsi qu’il convient à un acte de tragi-comédie humaine, et qui renvoie à une attaque de Nietzsche contre les origines juives de Wagner - constitue une étape majeure dans le parcours de Fritz Haber : un fragile point d’équilibre entre ses débuts difficiles et certains sombres nuages s’amassant à l’horizon, dont celui de la réprobation des juifs par une Allemagne entre orgueil et rancoeurs.

Sans pourtant que Fritz Haber soit dépeint comme quelque martyr de l’esprit du temps. Au contraire, cette année 1915 le voit mettre toute sa science et son énergie au service d’un pouvoir militaire en quête d’une solution radicale et rapide à cette Première Guerre Mondiale où s’embourbent les troupes et le système économique. Un suppôt du régime, dirait-on avec le recul. Au point de payer de sa personne, de s’intoxiquer et de se retrouver hospitalisé, lors d’une expérimentation in vivo d’un de ses gaz mortifères...

Puisqu’il suffit que le vent tourne pour vous faire basculer du côté de l’au-delà, tant sur le théâtre des opérations guerrières que dans la relation ambiguë avec une idéologie se servant de vous pour mieux vous rejeter... Ce sentiment de l’inéluctabilité d’une fin funeste imprègne chaque planche d’un album dont la dominante sépia, dont les vignettes avares de mots et dont l’usage de panonceaux de commentaires hérités du cinéma muet entretiennent une atmosphère d’apparente nostalgie. Tandis que l’usage constant de photos - photographies et photogrammes - retravaillées au pinceau suggèrent que la réalité alimente la fiction dans laquelle évolue un certain Fritz Haber : celle d’un monde où les idées commandent aux événements, et où des pans de légendes - parmi lesquels ces scènes dérivées des « Nibelungen » selon le film de Fritz Lang, et dont Vandermeulen entrelarde son récit comme de morceaux de bravoure - crèvent l’écran du réel.

Ainsi le tome 3 de “Fritz Haber” donne-t-il tout son sens à la collection Mirages dont il fait partie : alors qu’on les croirait purement imaginaires, voire sorties d’un cauchemar, ses images au tremblé et au flou savamment maîtrisés sont bien les reflets d’un quotidien à donner le frisson.


(T3) Un Vautour, c’est déjà presque un aigle
- Série : Fritz Haber
- Scénario : David Vandermeulen
- Dessin et couleurs : David Vandermeulen
- Editeur : Delcourt
- Collection : Mirages
- Pagination : 156 pages couleurs
- Format : 20 x26,5 cm
- ISBN : 978-2-7560-1504-0
- Prix public : 17,50 €


© Editions Delcourt - Tous droits réservés



Alain Dartevelle
25 décembre 2010




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