Je me refuse à en dire plus. L’intrigue de China Miéville part sur cette base classique pour faire voler en éclats les stéréotypes du genre. On en attendait pas moins d’un auteur comme lui. Son héroïne n’est déjà pas celle que l’on croit : passées les 200 premières pages, la grande et blonde Zanna s’efface au profit de la discrète mais néanmoins déterminée Deeba. La petite brune n’a pas sa langue dans sa poche, et plus de courage qu’elle ne le croit. Mais surtout, elle refuse d’abandonner ses amis, et Lombres, au Smog.
On saluera l’inventivité du fond : Lombres est une transville faite de mool : des Matériaux Obsolètes d’Origine Londonienne. Les immeubles sont des piles de vinyles, des frigos, des portefeuilles... On nage en plein délire fabuleux et coloré, sur fond de recyclage. Les détritus sont animés, à l’image de Caillet, la brique de lait vide adoptée par Deeba, des “poubanzaï” ou des “barrapluies” de Brokkenbroll ; et les mots ont une vie propre. Entre autres, mais chut ! ce sera à vous de le découvrir.
L’action comme l’humour sont au rendez-vous, et on tremblera plus souvent qu’on ne l’imaginerait dans un roman estampillé jeunesse. La seule concession de China Miéville au public jeune est une énorme simplification de son vocabulaire habituel et un enchaînement chronologique des évènements, qui rendent la lecture de « Lombres » beaucoup plus confortable que celle de son précédent roman traduit en français, « Le Concile de Fer ». Profitons-en pour saluer l’excellent travail de Christophe Rosson, qui rend aussi bien la richesse de l’univers lombressien que le parlé familier de la jeune Deeba, loin d’avoir la langue dans sa poche ! Autre point à signaler : aucune faute d’orthographe relevée, juste quelques petits soucis de ponctuation.

- Lombres - corrections
Le roman est également illustré de crayonnés de l’auteur, qui achèvent de faire de ce « Lombres » un bel objet. Miéville cite en remerciement Neil Gaiman et son « Neverwhere » (Au Diable Vauvert et J’ai Lu, mais également en comic-book), où Londres prenait un autre visage. Entre autres remerciés, j’insisterai aussi sur Clive Barker, dont l’« Abarat » (2 volumes, Albin Michel et Livre de Poche), richement illustré de peintures en couleurs, offre également, sur le thème de l’univers de l’autre côté du miroir, une richesse imaginative qui saura séduire jeunes et moins jeunes.
En conclusion, et avec mes excuses pour cette critique presque lapidaire, « Lombres » est un tel enchantement que je m’en voudrais de vous le gâcher. Il se joue des clichés grâce à une anti-héroïne qui ne se laisse pas faire par un soi-disant destin, et prend à contre-pied les codes du genre. Divertissement intelligent, aventure fabuleuse, texte accessible à tous, « Lombres » se dévore.
Salué par la critique internationale, il a déjà été traduit dans de nombreux pays, et a donné naissance à des couvertures aussi variées qu’évocatrices de la magie de cet univers.
Titre : Lombres (Un Lun Dun, 2007)
Auteur : China Miéville
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Christophe Rosson
Couverture et illustrations intérieures : China Miéville
Éditeur : Au Diable Vauvert
Collection : Jeunesse
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 636
Format (en cm) : 13,2 x 19,8 x 4
Dépôt légal : octobre 2009
ISBN : 978-2-84626-214-9
Prix : 20 €
Les romans “adultes” de China Miéville sur la Yozone :
« Perdido Street Station » (2 tomes)
« Les Scarifiés »
« Le Concile de Fer »