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Ballade de Pern (La) - Intégrale I
Anne McCaffrey
Pocket, Fantasy, trois romans (1983, 1994, 1997), traduits de l’anglais (États-Unis), SF - fantasy ?, juillet 2010, 1236 pages, 12,50€

Les éditions Pocket se lancent dans la publication d’une intégrale consacrée à « La Ballade de Pern », soit le cycle de science fantasy (appellation incontrôlée) le plus abouti (et réussi) du genre, écrit par la grande Anne McCaffrey.

Si vous souhaitez découvrir une société sérieusement construite sur des bases scientifiques où les dragons ne sont pas des créatures magiques, mais bien le résultat de recherches génétiques, où aucun détail social, économique ou politique n’est laissé au hasard, où des personnages captivants et complexes suscitent l’intérêt, partez immédiatement pour la planète Pern !
Vous n’en reviendrez jamais vraiment !

Discussions acharnées et débats d’humeurs à prévoir sur l’ordre de publication des différents textes et sur le contenu de cette intégrale, par contre.



Il fut un temps où la fantasy n’était pas seulement un mélange roboratif d’ingrédients basiques, mijotés industriellement par des manœuvres de l’écriture assez peu doués. Un temps où les grands écrivains de la SF se frottaient au genre, le transcendant grâce à un imaginaire supérieur.

Monument de la SF débuté en 1968, rattaché au genre fantasy faute de mieux et surtout parce que l’on y trouve des dragons ainsi qu’une société aux décors d’influence médiévale (châteaux, guildes, seigneurs, chevaliers, etc) , il faut le dire et le marteler, « La Ballade de Pern » n’a rien à voir avec la fantasy, mais s’établit sur des postulats de pure SF.
Nulle magie ni faits surnaturels à signaler sur la planète Pern, tout est expliqué et scientifiquement explicable une fois le cadre de base accepté. Les lecteurs sont bien invités sur un ailleurs lointain qui dispose déjà de sa propre faune et flore.
Ainsi en est-il de ce cycle ayant accumulé les récompenses (Hugo, Nebula, etc), une création ambitieuse de l’écrivain américaine Anne McCaffrey qui a construit un univers des plus documentés, en prenant pour point de départ la colonisation d’une planète étrangère par des hommes venus de la Terre.

Si romans et nouvelles se sont accumulés durant plus de quarante ans d’écriture, le fiston prenant même la relève depuis quelques années, une cartographie temporelle de la planète Pern s’est ainsi créée d’elle-même.
Cependant, le cycle n’étant pas au commencement écrit dans le cadre de cette future logique chronologique finale, certaines intrigues se sont développées sur différentes périodes, dans un projet narratif qui englobe aujourd’hui plus de trois millénaires d’histoire.
Les premiers romans, publiés à partir de 1968-71 aux USA, sont aujourd’hui situés entre les deuxièmes et troisièmes millénaires suivant l’arrivée des terriens sur Pern... Alors que d’autres textes, publiés vingt ans plus tard, donnent les clefs de la colonisation de la planète (l’année 0), voire un aperçu des premières missions de reconnaissance spatiale.

Commençons par le début

C’est l’histoire de cette colonisation que l’on découvrira avec « L’Aube des Dragons » (1983), un roman qui ouvre assez logiquement cette intégrale.
Pern est un monde assez pauvre en minerais, mais au climat agréable, sur lequel quelques milliers de courageux s’installent, bien décidés à développer une société pacifiste dont les bases économiques seront fondées sur l’artisanat et le développement agraire.
Attention cependant, ces colons ne sont pas des illuminés compulsifs prônant le retour à la terre, mais en grande partie des scientifiques de haut vol. Arrivés sur Pern avec un vaisseau spatial en partie recyclable sur place, l’aide d’un ordinateur de bord ultra sophistiqué (le SIAV), des idées précises et les connaissances nécessaires à leur concrétisation, ils ont toutes les cartes en main pour réussir leur mission et s’acclimater à leur nouveau monde.
Malheureusement pour eux, problème astronomique imprévu, raté par les missions d’observation préventive du système planétaire, ils vont découvrir que d’étranges fils tombent tous les deux cents ans sur la planète.
Or, ces fils sont des organismes particulièrement agressifs qui une fois réchauffés et réveillés par leur chute dans l’atmosphère, ont la propriété de se nourrir de matière organique et de proliférer à la vitesse grand V, transformant un territoire fertile en un désert aride dès qu’ils ont touché le sol.
Pas sans réponses, les colons vont donc devoir s’installer durablement sur Pern tout en modifiant génétiquement une espèce locale de lézards de feu volants en les transformant en dragons géants capables de détruire en plein ciel l’envahisseur spatial, ce qui permettra d’éliminer la menace avant qu’elle n’atteigne le sol et se multiplie.

« L’Aube des Dragons », écrit en 1983, soit quinze ans après la parution du premier roman du cycle, est vital à sa compréhension. Bien des intrigues que l’on va rencontrer par la suite feront d’ailleurs références aux événements qu’il décrit. Il s’agit donc d’un opus essentiel, celui des origines.

Un petit coup d’œil vers la fin...

On avoue par contre, un grand étonnement en découvrant en suivant « Les Dauphins de Pern » (1994) dont l’action se situe en plein troisième millénaire...
Seuls points vaguement liés avec « L’Aube des Dragons » qui le précède dans cette intégrale, un prologue situé cent deux ans après l’atterrissage des colons et le fait que les dauphins, tout comme les dragons, sont eux aussi des animaux génétiquement modifiés.
Petit détail qui a son importance, les dauphins sont arrivés avec les colons sur la planète Pern et sont les descendants d’une espèce évoluée ayant décidée de quitter les océans pollués de la Terre pour découvrir un autre monde.

Malheureusement pour les dauphins, sur Pern les hommes ne regardent plus que les cieux et ont complètement oublié, au fil des siècles, ces étranges dauphins qui parlent.
Redécouverts par hasard lors du neuvième passage des fils, cette espèce non indigène devient l’argument d’un roman certes agréable, mais quand même mineur. Longtemps classé « roman jeunesse », « Les Dauphins de Pern » s’attache surtout à décrire l’itinéraire d’un jeune adolescent qui va s’émanciper grâce à eux.
Le récit est intéressant, agréable à lire (ce qui est toujours le cas des textes de McCaffrey, ceci dit), mais n’approfondit qu’un petit bout de l’histoire de Pern. Loin, très loin, des aspects les plus vastes de « La Ballade de Pern », il s’agit surtout pour Anne McCaffrey d’explorer sa création par le petit bout de la lorgnette qu’autre chose.

Retour vers le passé !

Retour à la logique chronologique avec « L’Œil du Dragon » (1997), l’intrigue se déroulant juste avant le second passage des fils, soit deux cents à deux cents cinquante ans après l’atterrissage.
Roman important rétrospectivement, « L’Œil du Dragon » va permettre aux lecteurs de vivre la création des premiers Ateliers de Harpistes, de suivre la mise en place des Weyrs (lieux où dragons et chevaliers-dragons vivent ensemble), de connaître la vie des mineurs et d’expliquer comment et pourquoi une certaine décadence technologique et scientifique s’est peu à peu installée, justifiant l’organisation de la société pernaise autour de pratiques féodales.
Autre point central du cycle, la mise en avant par Anne McCaffrey d’un sujet sur lequel elle reviendra très souvent : la notion d’oubli.

On sait bien qu’un individu sous la menace permanente d’un danger se réfugie dans la folie ou dans la perte mémorielle. Partant de ce principe vieux comme l’homme, Anne McCaffrey distribue très régulièrement dans ces intrigues des sujets aux comportements schizophréniques, victimes d’une perte de mémoire collective. D’où la création heureuse et conjointe des différents « Ateliers » d’artisans (Harpistes, etc,.) et de la caste des Chevaliers-Dragons, qui visent tout autant à soigner l’ensemble de la société pernaise qu’à l’aider à vaincre la menace extérieure que représente les fils.
« L’Œil du Dragon » s’inscrit donc dans la plus pure tradition des romans « classiques » du cycle, tant par la construction de son suspense que par la mise en avant de personnages avec lesquels on développe une très forte empathie.

Une Intégrale, oui mais...

Ce premier volume de l’Intégrale de « La Ballade de Pern » nous laisse quand même un peu perplexes. Si le principe est excitant, le contenu, ou du moins son agencement, se discute. Tout d’abord, on n’arrive pas à saisir si la logique de présentation est chronologique, thématique ou tout autre.
Dans le premier cas, plutôt que « Les Dauphins de Pern », on aurait dû trouver les nouvelles composant « La Chute des Fils » qui, intelligemment agencées avec « L’Aube des Dragons » puis « L’Œil du Dragon », auraient construit un recueil à priori imparable, facilitant la totale compréhension du cycle.

En outre, il nous semble qu’une telle intégrale mériterait tout un appareil technique complémentaire sous forme d’un dictionnaire des principaux termes, de cartes, voire l’inclusion d’une chronologie de Pern dans laquelle on aurait intégré les différents romans et nouvelles de la saga.
On eût pu aussi réfléchir à un format moyen, à l’image de l’impeccable édition intégrale J’ai Lu du « Trône de Fer ».

Quid d’un travail d’introduction aussi. Nul texte de préface ou de postface à l’horizon, aucune explication sur la construction de cette intégrale, rien, nada, nothing !
Qu’adviendra-t-il également des quelques nouvelles restées inédites en France ou de celles publiées dans quelques anthologies, mystère.
Pourtant, l’occasion était belle de concevoir avec un investissement plus conséquent (récupérer l’ensemble des droits, négocier avec les autres éditeurs, etc) une édition irréprochable intégrant l’ensemble des textes, objet littéraire de référence, absolument incontournable et donc forcément à acheter.

Ce premier volume s’établit donc comme une construction, un rien hétéroclite, assemblant trois romans en rupture de stock chez l’éditeur... De même, il semble bien qu’une sérieuse relecture ait permis de supprimer tout un paquet de coquillettes présentes dans les anciennes éditions de poche. Ce sont donc les deux points positifs à souligner et à mettre au crédit de Pocket avec un tout petit prix à 12,50€,(et sur le fond, ce n’est pas rien).

Chef-d’œuvre de la SF, « La Ballade de Pern » d’Anne McCaffrey méritait sans doute une toute autre intégrale, un véritable travail éditorial qui soit au niveau d’une œuvre où tous les romans, même les plus mineurs, procurent un plaisir de lecture cent fois supérieur à la palanquée de récits de fantasy et de SF sous lesquels nous croulons en 2010.
De fait, le vide comblé par ce premier volume suffit largement à en légitimer l’achat.


Titre : La Ballade de Pern - Intégrale
Romans : L’Aube des Dragons (Dragon’s dawn, 1983), Les Dauphins de Pern (The Dolphins of Pern, 1994), L’Œil du Dragon (Dragon’s Eye, 1997).
Auteur : Anne McCaffrey
Traductions de l’anglais (États-Unis) : Simone Hilling
Couverture : Vincent Dutrait (illustration)
Éditeur : Pocket (Univers Poche)
Collection : Fantasy
Dirigée par : Bénédicte Lombardo
Site Internet : fiche recueil (site éditeur)
Pages : 1235
Format (en cm) : 10,7 x 17,8 x 5,9 (poche)
Catégorie : 15
Dépôt légal : juillet 2010
EAN : 9 782266 204415
ISBN : 978-2-266-20441-5
Prix : 12,50 €



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