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Épée de la Providence (L’)
Andrzej Sapkowski
Bragelonne, roman traduit du polonais (Pologne), fantasy, 347 pages, janvier 2008, 20€

Geralt de Riv, le sorceleur mutant, poursuit ses voyages. Croisant souvent la route du barde Jaskier, qui n’a pas son pareil pour les mettre dans de beaux draps, à cause de sa langue trop bien pendue ou de son goût pour la bonne chère et les jolies femmes. Croisant aussi la route de la belle Yennefer, cette sorcière qui l’aime et le déteste à la fois, et qu’il aime plus encore, à n’en pouvoir l’oublier.



Après « Le Dernier Vœu », qui dévoilait l’étrange profession de sorceleur dans ce non moins étrange monde créé par Andrzej Sapkowski, mélange de dark fantasy, de mythes et contes classiques et d’une pincée d’indicible touche slave, « L’Épée de la Providence » poursuit et complète le diptyque. Composé, comme le précédent, de chapitres aux allures de nouvelles plus ou moins indépendantes, il se lit, non, se dévore comme un roman.

“Les Limites du possible”, “Éclat de glace”, “le Feu éternel”, “une Once d’abnégation”, “l’Épée de la Providence”, “Quelque chose en plus”... Six temps dans la vie de Geralt de Riv, six moments qui vont l’aider, lui l’errant, le tueur de monstres au code d’honneur l’empêchant de tuer les êtres intelligents, le mutant rejeté, à trouver sa voie.

Comme dans « Le Dernier Vœu », chaque chapitre-nouvelle est une parabole, les évènements aux relents de conte populaire dévoilant toute leur morale à Geralt ou ses employeurs. Andrzej Sapkowski joue à la perfection avec notre imaginaire collectif européen (à défaut de mondial) qu’il retouche, éclaire d’un jour nouveau, pour construire ou appuyer son histoire. Ainsi, la reine des neiges ou la petite sirène seront au rendez-vous, mais pas tel qu’on s’y attend. Une façon subtile de relier ce monde imaginaire au nôtre.
J’ai évoqué dans la chronique du tome précédent les consonances slaves des lieux (ou des personnages), qui apportent une certaine fraîcheur à une fantasy dominée par une toponymie anglo-saxonne. On la retrouve avec plaisir, toujours aussi peu envahissante mais tellement présente dans la construction de notre imaginaire des environs de Novigrad.

La perfection tient à l’exercice de style déployé à chaque nouvelle-chapitre. Du très classique retournement dans un texte qui rassemble les archétypes d’une chasse au dragon, double retournement pour un duel de cœur, de l’humour presque burlesque avec une histoire d’usurpation d’identité et de spéculation boursicotière, des Grands Anciens mélangés à un mythe celte, et enfin une conclusion toute en hallucinations, rêves, et visions du passé ou d’ailleurs.
Tout cela pour quoi, outre notre plaisir de lire sans cesse renouvelé ? Pour tracer l’histoire de deux êtres, sur-humains dans leurs capacités, mais incapables de s’aimer pleinement, faute de pouvoir fonder un foyer, transmettre l’héritage de leurs gènes auxquels il manque un petit quelque chose... L’histoire d’un homme que sa formation de sorceleur a soi-disant rendu incapable de ressentir des sentiments, mais qui ne peut s’empêcher d’aimer... d’une magicienne très puissante, mais interdite d’enfanter... d’un couple qui ne peut exister sans enfant...

Et l’histoire d’un serment, prononcé des années plus tôt : “En paiement de mes services de sorceleur, tu me donneras ce que tu ne t’attendais pas à trouver chez toi à ton retour...” Car c’est ainsi que les sorceleurs se perpétuent... par la providence... ou le destin...

L’ouvrage n’est pas jeune (1992), et révèle cependant une fantasy aussi captivante qu’émouvante, un monde en mutation, où l’Homme veut dominer, exterminer ce qu’il ne comprend pas, ces monstres que le sorceleur comprend finalement mieux que cette race humaine à laquelle il n’appartient pas vraiment. Ode à la différence, au droit d’exister, à celui d’aimer l’autre, quel qu’il soit, et à l’humilité face à l’inconnu, l’ancien et le secret, l’œuvre d’Andrzej Sapkowski m’a plus qu’émerveillé. Je pense pouvoir dire qu’on ne lit plus la même fantasy après Sapkowski. On ne prend plus plaisir aux batailles, on regarde les dragons différemment.

Fort du succès des aventures de Geralt, Andrzej Sapkowski, traduit dans 9 langues et de nombreux pays, a entamé un second cycle, « La Saga du Sorceleur », dont le 3e tome (sur les 5 prévus, je crois) sort cet automne chez Bragelonne.

Aussi, ne soyez guère surpris si la fantasy polonaise se retrouve régulièrement à l’honneur sur la Yozone...

Concluons par la très belle illustration d’Étienne Leroux, à qui l’éditeur a confié les couvertures de l’ensemble du cycle ; et quelques coquilles, mais rien de bien grave.

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L’épée de la Providence - corrections

Titre : L’Épée de la Providence (Miecz Przeznaczenia, 1992)
Série : suite de « Le Dernier Vœu »
Auteur : Andrzej Sapkowski
Traduction du polonais (Pologne) : Alexandre Dayet
Couverture : Stéphane Collignon
Éditeur : Bragelonne
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 347
Format (en cm) : 15,3 x 23,8 x 2,5
Dépôt légal : janvier 2008
ISBN : 978-2-35294-132-3
Prix : 20 €



Nicolas Soffray
5 octobre 2010


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