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Ab Irato (T1) Riel
T. Labrosse
Editions Vents d’Ouest

Selon la vision de Ab Irato, le siècle prochain connaîtra des bouleversements climatiques majeurs. Les clivages élite / masse populaire vont s’accroître. Les tensions générées par un tel environnement vont pousser les hommes au chaos, à la guerre civile, même au sein de cités réputées paisibles aujourd’hui.
Parmi ces villes, Montréal, au Québec, n’échappe pas à la règle. La révolte gronde et va bientôt éclater.
Le jeune Riel, fraichement immigré, va bientôt se retrouver au cœur d’un conflit qui le dépasse…



« Ab irato » est une expression latine signifiant « dicté par la colère ». Cette définition est subtilement énoncée dans une des planches de l’album. L’expression qualifie en fait le trait de caractère de plusieurs personnages : terroristes, forces de l’ordre et super guerrière.

Dans cette fable d’anticipation SF, en octobre 2111, la population mondiale a été divisée par quatre. Montréal est en grande partie recouverte par les eaux et les habitants luttent pour leur survie dans une métropole hostile et dangereuse.
Seule l’élite, une infime partie de la population (3% pour être précis !), a accès aux traitements Jouvex, sortes de vaccins antivieillissement proposés par une puissante multinationale.

C’est dans ce contexte que débarque le jeune Riel Beauregard, des rêves de réussites plein la tête. Fuyant sa campagne natale, il a choisi de s’installer à Montréal dans l’espoir d’un avenir meilleur. Du moins il le pense…
Mais son optimisme va vite s’écrouler. A peine sorti de la gare, il croise du regard une femme recherchée par les autorités, accusées de tentative d’assassinat contre Charles Quad Norton, le dirigeant suprême de l’empire Jouvex. En quelques secondes, l’horreur s’abat sur la ville : la gare explose, les blessés jonchent le sol, les gens fuient, un combat inégal éclate entre cette étrange femme et la police…
Riel s’en sort de justesse.
Quelques minutes encore s’écoulent et voici notre Candide québécois face à un impitoyable gang des rues. Il sera sauvé d’une mort certaine par l’intervention de la police.
Quand je vous disais que Montréal était une ville dangereuse !
Une fois à l’hôtel, Riel fait la connaissance de la pétillante Nève, arrivée en ville 15 jours plus tôt avec la même volonté d’intégration. Entre-eux, le courant passe tout de suite.

L’intrigue de cet opus, premier volume d’une série de 4 tomes, est particulièrement riche. L’histoire mêle à la fois utopie élitiste et guerre-civile urbaine. En effet, la sélection draconienne organisée lors de la diffusion des vaccins Jouvex a plongé une grande partie des exclus dans la révolte. La mort d’une jeune fille, faute de traitement, a mis le feu aux poudres. Les rebelles, appelés « Bâtards de Dieu », prennent alors les armes et s’opposent ouvertement à l’ordre établit. L’issue sanglante est inévitable : les Mekka, sortes de quadrupèdes blindés des forces de l’ordre, sont lancés contre les barricades érigées au cœur de la ville.
Riel se retrouve une nouvelle fois au milieu de cette crise, pris entre le feu des deux camps, sous l’œil des caméras de télévision.

Cet album présente les personnages principaux de la série tels que Riel, Nève, Gana (la mystérieuse combattante), Charles Quad Norton, et le lieutenant pilote Chogan. Le livre tisse également les premiers liens entre ces protagonistes.
Les rebondissements sont fréquents dans ce premier volume et ce rythme soutenu est conservé pendant toute la durée du récit, jusqu’à la dernière page. En contrepartie, cette densité du récit force le recours à certains raccourcis narratifs. Par exemple, le rapprochement entre Riel et Nève, seulement quelques heures après leur première rencontre, peut paraître un peu rapide. De même, comment Riel peut-il encore marcher tranquillement à travers la ville, enfermé dans son impassible naïveté, alors qu’il a subi une double agression en descendant du train ?

Quoi qu’il en soit, ces subtiles incohérences n’entravent en rien le plaisir de lecture et ce scénario palpitant laisse présager du meilleur pour la suite.

Pour info, Thierry Labrosse, qui a réalisé cette BD en solo, est le compagnon d’atelier de Régis Loisel. Il ne fait maintenant aucun doute que l’auteur a bénéficié des conseils avisés de ce Grand Monsieur du 9ème art.

Côté graphisme, l’ensemble est assez réussi.
Les couleurs, parfois un peu trop vives, peuvent surprendre, voire décevoir, à la première approche. Le teint des personnages, souvent jaunâtre, peut gêner certains. De même, des éléments de dessins trop contrastés, comme par exemple la veste rose du leader rebelle, ont tendance à trop se démarquer du reste de la planche. On retrouve sur ce point les mêmes lacunes que la série italienne “Les Larmes d’Opium”.
Même si, en général, les arrières plans ont tendance à rester vides, monochromes, les dessins servent parfaitement la narration. Les effets visuels sont nombreux (représentation des lignes horizontales sur les écrans télé par exemple), les costumes et la palette d’expressions des personnages sont variés.
Les scènes d’action sont particulièrement bien rendues. On retrouve dans cet album l’une des qualités majeures de la série “Moréa”, pour laquelle, aux côtés du scénariste Christophe Arleston, Labrosse avait réalisé les dessins.
L’aspect visuel des planches est considérablement mis en valeur par une science du cadrage juste et précise. Sur ce point, on flirte avec la photographie ou la peinture (autre passion de l’auteur).
Certains décors urbains, montrant Montréal envahit par les eaux, sont particulièrement riches. Rien d’étonnant à ce que l’aventure se passe à Montréal, Thierry Labrosse vit dans cette ville. C’est sans doute plus facile pour se documenter…
Par ailleurs, les éléments futuristes, comme les Mekkas, les analyseurs rétiniens, les box d’hôtel ou le train suspendu, sont bien détaillés.
Enfin, dernier point sympa, Labrosse a glissé dans ses dessins des clins d’œil en hommage à ses amis professionnels. Arriverez-vous à trouver le dessin de la fée clochette, façon Loisel, sur le mug de Riel ?

Ab Irato” s’apprête donc à devenir une série phare pour les amateurs de fable d’anticipation S-F. Chacun des 4 volumes (a priori) de cette série sera associé à un personnage. Quel sera donc le thème du deuxième acte ? Nève, Gana, Chogan ? On verra bien. Le prochain tome devrait sortir… dans un an. Wait and see !
En attendant, vous pouvez toujours consulter l’actualité de l’auteur sur son site.


(T1) Riel :
- Série : Ab Irato
- Scénario : Thierry Labrosse
- Dessin : Thierry Labrosse
- Couleurs : Thierry Labrosse
- Editeur : Vents d’Ouest
- Collection : Fantastique
- Dépôt légal : juin 2010
- Format : 228 x 323 mm
- Pagination : 48 pages
- ISBN : 978-2-7493-0543-1
- Prix Public TTC France : 13,00 €


Illustrations © Labrosse et Glénat (2010)



Allison & Julien
24 septembre 2010




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