Alice est une victime. Elle tente d’oublier les sévices que lui infligent les jumeaux en se scarifiant tout le corps. Charlotte est témoin des agressions répétées de ces deux monstres sur sa nouvelle amie. Mais s’il n’y avait qu’eux. Le réglement de l’institut est fait pour la répression aveugle et sans fin. Des horaires implacables ponctuent leurs journées et le moindre retard est source de punition. Les professeurs sont plus proches de tortionnaires que d’enseignants. Charlotte ne sait décidément pas à qui elle peut faire confiance. A Julien, le sauveur providentiel ? A l’infirmière, détentrice de tant de réponses ? Et les mystères sur l’établissement s’épaississent chaque jour. Et dès qu’elle s’approche d’une vérité, on le lui fait payer. Rien ne vaut un petit isolement en cellule et une petite torture pour faire réfléchir... Mais parfois, cela n’est pas vraiment la meilleure des solutions ?
Entre “Nikita” et “Vol au-dessus d’un nid de coucous”, “Linked” nous ouvre un univers particulièrement glauque. Bienvenue dans une école où la maltraitance des élèves est fortement recommandée, où les viols sont tolérés sans aucune difficultés. L’institut Noé est entre le camp de rééducation et le camp d’extermination. Le duo de scénaristes, Esteban Mathieu et Michael Nau, a réellement décidé de ne se donner aucune limite et de passer outre le politiquement correct. Ils vont s’attaquer de front à un mode de répression par l’humilitation, avec une totale perte des valeurs. Est-ce une vision profondément pessimiste ou un avertissement sur un tout répressif exaspérant ? En ces temps où les droits des personnes ne valent plus rien sans argent, l’univers de l’institut Noé n’est pas si loin d’une possible réalité, même dans notre pays dit civilisé. En tout cas, ce monde où la loi du plus fort est toujours la meilleure donne à réfléchir, peut vous donner la nausée, mais ne laisse pas indifférent.
Maria Llovet, la dessinatrice, a parfaitement dépeint ce monde décadent. Dans un style shojo gothique, tout en noir et blanc tel un manga, toute la force de ses planches se trouve dans les personnages. Les décors ne sont que des référentiels de lieu, sans détail, simplifiés à leur pure symbolique : les lits des chambres, des étagères, les murs capitonnés d’une cellule. Ses personnages sont torturés et caractérisés par des éléments vestimentaires ou physiques comme le veut le shojo. Le personnage d’Alice est incroyablement puissant, elle va subir toutes les dépravations possibles et imaginables en une centaine de pages, jusqu’au réveil de Charlotte. Une Charlotte à l’apparence fragile mais si forte. Une force à l’origine encore mystérieuse. Les références aux mangas sont aussi par un bruitage en japonais, les kana remplacant les bruits en français. Ces dessins sont dérangeants, ajoutant au malaise que crée le scénario.
“Linked” est un petit bijou, à l’ambiance sombre à souhait et au suspense bien entretenu. Une série gothico-décadente superbe !
(T1) Starchild
Série : Linked
Scénario : Esteban Mathieu et Michael Nau
Dessin : Maria Llovet
Éditeur français : Les Humanoïdes Associés
Format : 19x26 cm, noir et blanc
Pagination : 160 pages
Date de parution : 6 janvier 2010
Numéro IBSN : 2-7316-2091-7
Prix : 12,90 €
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