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Trouble : Rencontre avec Benoît Magimel
A l’occasion de la sortie de l’excellent « Trouble », nous avons interviewé pour vous Benoît Magimel.
Exclusivité Yozone !


Lorsque Benoît Magimel nous reçoit, nous savons que le planning de la journée est explosé. C’est donc avec une certaine inquiétude que nous posons nos enregistreurs en face de lui, tout en nous demandant ce que nous réserve cette interview.
Au finish, un entretien original et personnel pour un acteur qui ne cache rien de sa passion pour le cinéma.

Yozone : Benoit Magimel, « Trouble » est un film de genre assez atypique. Qu’est-ce qui a motivé votre choix pour ce double rôle ?

Benoît Magimel : Tout d’abord, j’aimais bien ce scénario où tout bascule d’un seul coup. L’histoire commence d’une manière classique et puis on déboule très vite sur un film à fort suspense. Trouble était très bien écrit, en plus. Même s’il y a eu un gros travail de réécriture ensuite car certaines choses n’étaient pas obligatoirement abouties, le scénario était emballant. Dès le départ, je considérais que dans ce genre de cinéma, il fallait absolument fermer les portes que l’on avait ouvertes. Mon personnage devait trouver une issue, connaître une rémission de ses maux. C’est aussi un film d’angoisse qui me rappelle les thèmes de la perversion abordés par Brian de Palma dans « Pulsion » ou par Hitchcock dans « Psychose ». Je suis plutôt spectateur de ce style de films que l’on pourrait qualifier aussi de « purs films de genre »... Et puis, le réalisateur était Belge ! Curieusement l’école belge est très originale et intéressante. Les réalisateurs ont un vrai souci de l’image, très anglo-saxon.

Yozone : un certain surréalisme aussi, non ?

Benoit Magimel : Et bien, ils osent beaucoup plus. Ils sont tournés vers l’extérieur. En France, notre seule référence est toujours la Nouvelle Vague. En Belgique, ils ont une mise en scène qui met en valeur l’histoire. Elle n’est pas fermée stylistiquement.

Yozone : Justement, nous avons aussi été très surpris de trouver dans ce film des acteurs très concernés par l’histoire. C’est plutôt assez inhabituel dans le cinéma de genre d’obédience française ?

Benoît Magimel : Oui, c’est le résultat d’une approche réaliste des choses. Même dans un film fantastique, il faut être crédible et éviter « les castings carnavals » !

Yozone : Que voulez-vous dire par « castings carnavals » ?

Benoît Magimel : C’est pour moi une façon de stygmatiser ces castings qui prennent des personnalités à la mode. Le guignol de service, la personne que l’on voit sur tous les écrans. C’est un défaut récurrent dans beaucoup de films de genre et surtout dans les comédies et les films populaires. Du coup, on voit d’abord des personnalités avant de voir des personnages et le spectateur n’y croit plus... Le souci ici, était la réalité. Et la réalité dépasse souvent la fiction. J’ai souvent dit à Harry, tu es sûr que ça, c’est possible... Et lui, me racontait une histoire totalement incroyable, tirée d’un fait on ne peut plus réel, en me mettant l’article de presse sous les yeux. Et là, je lisais un truc affreux et à peine imaginable. Par conséquent, « Trouble » est une histoire crédible où les acteurs devaient absolument faire « vrais ».

Yozone : Comment un acteur peut-il faire passer cette gamme de sentiments si diffus et complexes dans un tel film ?

Benoît Magimel : L’enjeu dans « Trouble » était de « suggérer » et pas de « montrer ». On était donc obligés, en tant qu’acteurs, de faire croire à l’histoire. Sinon, le spectateur ne se serait pas identifié aux personnages. La thématique des jumeaux était en plus fascinante. La variation sur le principes féminins et masculins qui séparent les deux frères était aussi très intéressante à travailler.

Yozone : À ce sujet, comment avez-vous préparé ce double rôle ?

Benoît Magimel : C’est de la gymnastique. Purement de la gymnastique d’acteur. Il faut savoir se mettre en condition. On n’avait pas énormément de moyens et il fallait beaucoup répéter à l’avance. Harry Cleven avait par exemple, entièrement tourné son film au préalable via un équipement vidéo afin de visualiser les scènes qui marchaient, d’étudier les scènes techniquement plus complexes, etc,. On savait donc parfaitement où on allait. Le reste, le jeu de l’acteur, ça n’est vraiment que de la gymnastique. Passer de l’un à l’autre, ce n’est pas si compliqué.

Yozone : Qu’est-ce qui vous a motivé le plus dans votre choix de tourner ce « Trouble » ? Le scénario, la performance d’acteur ?

Benoît Magimel : Choisir un film parce qu’il y a une performance d’acteur possible est un mauvais choix. On est sûr de se planter. Ce n’est pas une motivation suffisante. Pour faire un film, la seule performance acceptable et compréhensible est de se dépasser, de réaliser quelque chose que l’on ne savait pas faire avant. Ici, j’ai interprété deux rôles différents comme si j’avais tourné deux films différents. Le manque de moyen et de temps ne nous a pas permis d’approfondir à l’écran les différences entre ces deux frères. On a tout tourné en neuf semaines et il était hors de question d’envisager d’avoir les cheveux longs pour un frère et courts pour l’autre, par exemple. Il a fallu aller au plus juste avec les moyens à notre disposition et tout faire passer par notre jeu.

Yozone : Tout à l’heure, vous nous précisiez que le film de genre vous a toujours intéressé. Avez-vous d’autres projets de ce style ?

Benoît Magimel : Il y a « Les Chevaliers du ciel » mais ce qui est typiquement français, c’est que j’ai souvent lutté contre les étiquettes que l’on voulait me coller sur le dos. Interpréter Louis XIV, ça m’intéressait. Je ne veux pas être l’éternel voyou du cinéma français. Un jour, un soit-disant professionnel du cinéma français m’a dit :
« On ne vous voit jamais dans des comédies... Enfin, en même temps, c’est normal. Vous n’avez pas le physique !. »
N’importe quoi, vraiment. Qu’est-ce que ça veut dire ce genre de raisonnement ? Depuis mes débuts, quand je vais sur un casting, je prends un malin plaisir à me présenter avec l’uniforme du personnage que le réalisateur recherche. Si, c’est pour interpréter un fils de bonne famille, j’arrive en costume et bien coiffé afin de lui permettre de me « voir » dans le personnage.
Aujourd’hui, trop d’acteurs français se sont enfermés dans un type de rôle... Moi, je ne pourrais pas le supporter. Pour la petite histoire, au début de ma carrière, j’étais presque étiquetté « acteur de films d’auteurs » et puis tout d’un coup, je fais « Nid de Guêpes » et « Les Rivières Pourpres » ! J’ai du convaincre les spectateurs dans ces rôles et travailler énormément pour surprendre et déstabiliser tout le monde. Mais c’est aussi ce qui m’intéresse.
Il faut parfois provoquer pour y arriver et être crédible.

Yozone : N’est-ce pas un des gros défauts du cinéma français que de ne pas se lâcher vraiment ? Surtout quand on pense aux audaces d’autres cinémas européens comme l’espagnol , l’anglais ou le belge ?

Benoît Magimel : Ici, les gens ont besoin de te mettre dans une case. En France, on n’aime pas que tu sois chanteur ET acteur. En Amérique, même s’ils ont d’autres gros défauts, ils considèrent qu’un comédien fait un vrai métier et qu’il doit savoir tout faire. Ca ne veut pas dire qu’il pourra le faire mais il doit a priori savoir le faire. Et ça, là-bas, tout le monde l’accepte et le comprend.
En France, aujourd’hui, j’aimerais bien tourner dans une comédie. Attention, pas celles qui passent sur les écrans habituellement. Non merci ! Les histoires d’ados qui ont des problèmes d’éjaculations précoces ou de puberté ou alors les histoires de trentenaires qui galèrent avec leur copine et cie, ça ne m’intéresse pas ! Trouver des scénarios et des réalisateurs de grands talents pour réaliser une comédie ambitieuse et originale, ce n’est pas évident, croyez-moi... On est actuellement loin de Capra ou de Lubitch. Il faut lire certains des projets que je reçois... Ouf !
Moi, j’aime bien qu’il y ait des enjeux. C’est ce qui me motive dans le cinéma. Il faut qu’il y ait quelque chose à risquer dans l’histoire. Dans « Trouble » et même dans « Les Chevaliers du Ciel » que réalise Pirès, on ne va pas trouver les acteurs habituels de ce type de films. Je fais partie d’une distribution risquée avec Géraldine Paillas et Philippe Thoreton. Qui plus est, il nous a vraiment choisis et c’est un fondu d’aéronautique et qui tourne un film très personnel.

Yozone : De toute façon, le cinéma français a un problème avec les films de genre alors qu’il y a eu une véritable école, inventive et crédible sur ce créneau, non ?

Benoit Magimel : Le cinéma d’avant-guerre (et même jusqu’aux années cinquante), est pour moi une référence. Que ce soient les acteurs (Le Vigan, Michel Simon, etc,.) ou les réalisateurs (Renoir, Duvivier, etc,.), il y avait une vraie école. On parle toujours du cinéma américain, mais on a complètement oublié ce pan du cinéma hexagonal. C’est plus que dommage car c’est aussi ce qui m’intéresse dans le cinéma. Et c’est ce qui m’a intéressé dans « Trouble » : faire un film de genre.

Tic-Tac. L’heure sonne et nous sommes obligés de libérer un Benoît Magimel enthousiasmant qui nous poursuit presque dans le couloir de l’hôtel pour continuer une interview qui se termine sur des confessions plus intimes.
Que pouvions-nous espérer de plus que d’en arriver à discuter des motivations, des envies, des références et de la passion interne qui anime un acteur ?
On est bien d’accord, rien de mieux !

Propos recueillis par Bruno Paul et Stéphane Pons

Interview réalisée grâce à la gentillesse et au professionnalisme de Michel Abitbol-Lasry et Séverine Lajarrige (que nous ne remercierons jamais assez). Pour fréquenter ce milieu depuis quelques années, on peut confirmer que le sourire et l’amabilité sont des qualités appréciées à leur juste valeur !


Bruno Paul
Stéphane Pons
16 mars 2005



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