Moriyama Tsuru nous livre un manga sensible, ayant pour thème l’amour des mères pour leur(s) enfant(s). Dans un registre sensible, voir parfois un peu larmoyant, l’auteur nous montre le combat quotidien de cette mère qui a la volonté d’élever, seule, son fils, dans une société où la monoparentalité est montrée du doigt. D’un milieu pauvre, elle sait que la voie de l’éducation est la seule pour que son fils ne reproduise pas l’exemple paternel. La mère-courage va accumuler les petits boulots parfois misérables (couture, distribution matinale du lait, ménage, terrassement...), tout ce qui pourra ramener de l’argent à la maison. Elle veut lui offrir une vie normale, sans que celui-ci subisse les conséquences de sa décision de partir du foyer.
L’épisode du gant de base-ball me semble particulièrement symbolique de cette histoire. Hiroshi voulant un gant pour jouer avec ses copains, Kazuko, ne pouvant l’acheter, lui en coud un « maison ». Hiroshi refuse le cadeau, sa maman peinée lui reproche son ingratitude et lui demande de sortir. Il se retrouve au terrain de sport, les enfants du quartier découvrant le gant se moquent de lui et la situation tourne à la bagarre. Le soir, le père du gamin battu se rend chez Kazuko pour demander réparation, mais la mère d’Hiroshi loin de se démonter expulse manu-militari, le père et le fils. On voit toute la force cette femme, telle une louve protégeant sa progéniture et s’opposant à la domination masculine. Son incapacité à lui offrir un vrai gant de base-ball pour son anniversaire, lui rappellera son impuissance, ses limites, mais lui fera trouver des ressources supplémentaires pour se battre. Son amour maternel ne l’empêche pas de lui faire la morale, quelquefois. Cet épisode fera, aussi, prendre conscience à Hiroshi de sa situation sociale et de la valeur du travail et de l’argent. L’histoire continuera sur les évènements importants de l’enfant, collège, lycée, école de police, mariage, famille jusqu’au décès de Kazuko.
Le graphisme est agréable, facile à lire. Les expressions des visages sont parfois trop poussées à la limite du grotesque. Une faiblesse du manga tient dans le fait que l’auteur n’ait pas développé plus son sujet. Il y avait matière d’approfondir la situation de la mère vis-à-vis des voisins, de ses employeurs, des commerçants ou simplement des autres mères.
Ce manga (écrit par un homme) se rapproche d’“Une sacrée mamie” (Delcourt) par son sujet, mais sur un ton moins joyeux. On retrouvera au cours du manga cette notion d’éducation, ce devoir d’amour parental, comme une obligation, une exigence voire une servitude. Doit-on être esclave de ses enfants ? Jusqu’où une mère peut aller pour eux ?
Un manga tendre et réaliste qui rend hommage aux femmes et à leur courage.
Je pense qu’il nous manque (nous les occidentaux), quelques clefs pour mieux comprendre la difficulté de la situation sociale de cette mère. Pour l’intitulé du titre, il fait référence au dessert (un bol de crème renversée géante) que Kazuko prépare à son fils pour le féliciter de chacun de ses progrès.
Un bol plein de bonheur
Scénario : Moriyama, Tsuru
Dessin : Moriyama, Tsuru
Éditeur :Delcourt
Dépôt légal : 13 janvier 2010
Collection : Ginkgo
Format : 127x180 mm
Pagination : 224 pages
ISBN : 978-2-7560-1829-4
Prix public : 7,5€
Public : Ados, Adulte