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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Hervé Thiellement - Les Souterriens
Le Monde de Fernando - Livre Premier
1er février 2006

Nous avions croisé Hervé Thiellement durant le Festival International de Science-Fiction de la Ville de Nantes. Les « Souterriens », livre premier du « Monde de Fernando » était sorti quelques semaines plus tôt. A l’époque, je n’en avais pas encore terminé la lecture, et mon emploi du temps durant les Utopiales ne nous avait pas permis de transformer cette rencontre en une interview. Mais le courant était passé. Nous sommes restés en contact et avons décidé de profiter de sa venue au Festival de Nogent-sur-Oise pour concrétiser.



Avant toute chose, peux-tu te présenter aux Yonautes ?

Je vis actuellement à Genève, une ville que je connais bien pour y avoir vécu à deux reprises quand j’étais prof ici. Je me suis mis en Cessation Progressive d’Activité, un truc pour fonctionnaire où on est payé à 80% pour bosser à 50%, à condition de partir à la retraite 5 ans après. En fait je vais quelques jours par mois au labo, à Gif-sur-Yvette, je vais à des réunions de travail et des colloques, et le reste du temps je « télétravaille » depuis chez moi. Mon boulot consiste à lire des publications scientifiques et à écrire (des articles in English, des projets, des expertises, des revues, etc...) toutes choses qui peuvent se faire à distance. Les manips (les expériences) sont faites par d’autres (techniciens, étudiants, doctorants et post-doctorants). Fort heureusement ! car je suis d’une maladresse hors du commun, à la maison aussi mais là c’est moins grave.

Je débarque dans ce monde de la SF et de l’« imaginaire ».J’ai toujours aimé ça mais comme un à côté de ma vie, un truc perso en plus du reste. Ma vie professionnelle a été très prenante ces trente dernières années. Je suis généticien en général, des plantes en particulier, donc biologiste et passionné par l’évolution. C’est vraiment un métier rigolo et je me considère comme un privilégié, même si, en plus de la recherche, il faut aussi faire des trucs moins drôles : de l’administration, de l’expertise et de l’enseignement. J’ai une page ouèbe « pro » que l’on peut consulter ici : http://moulon.inra.fr/%7Ethiellem/welcome.html où est expliqué mon « parcours ». Mais, si la Yozone m’interroge, c’est pour cette autre activité, que je pratique depuis toujours, mais qui n’est officielle que depuis peu, depuis la parution de mon premier bouquin de SF, « Les Souterriens », livre premier du « Monde de Fernando ». Merci beaucoup à la Yozone pour ça, parce que ce bouquin n’a pas de distributeur et n’est donc connu que de ceux qui l’ont reçu ! :-§).
Me voilà soudain, proche de la retraite (58 balais en 2006, ce qui fait 20 en 68, pas de commentaires, merci), propulsé dans ce « fandom » que je ne connais que depuis quelques mois, inconnu à juste titre dans un monde riche de talents (je viens de lire deux livres de RC Wagner : respect ! grave !) où je ne sais pas vraiment ce que je viens y faire. Nonobstant, peut-être que mon « vrai » milieu de vie est là, je n’en sais rien...

L’écriture n’est donc pas une vocation nouvelle ?

J’ai toujours écrit, en tout cas depuis l’adolescence (ce qui fait déjà loin !), des poèmes et des textes courts. J’ai même été publié, sous le pseudonyme de Henri Dromadaire, dans le « Actuel » des 70, dans « Réciproquement » (fanzine expérimental de graphismes et bédés (beau journal de connerie brute !), prix Alph-Art à Angoulême en 1991, rédac-chef Pacôme Thiellement, mon fils) à la fin des 80-début des 90, et dans la revue « Spectre » (http://membres.lycos.fr/arcania/spe... dirigée par le même Pacôme Thiellement, ceci explique cela) à la fin des 90-début des 2000.
Outre ces rares publications plus ou moins confidentielles, j’ai aussi pondu un premier roman fantastique et de SF « Loup Gris » , en 2001, avec pour argument une lycanthropie génétiquement possible (!??), qui, décidément, restera dans les tiroirs des archives de la mémoire de mon ordi. Et puis, la retraite approchant, je me suis dit que ce qui avait toujours été une activité marginale pouvait devenir progressivement mon activité principale. Voilà pourquoi j’ai décidé d’envoyer aux éditeurs (petits et moyens spécialisés SF, modestie oblige) « Le Monde de Fernando », écrit en 2002-2003. Comme tout le monde ou presque je n’ai fait qu’essuyer des refus polis sur lettre-type « ne correspond pas à notre politique éditoriale, bla bla bla ». Alors, comme je n’ai aucune patience, j’ai choisi un éditeur avec qui on partage les frais et donc les risques financiers. Le GROS problème c’est qu’il n’a pas de distributeur et donc on ne trouve mon bouquin que chez les libraires qui l’ont commandé. Je ne veux pas savoir combien il y en a en France, pas bézef, c’est sûr ! Mais ce n’est pas très grave, je ne vis pas de ma plume...

Avec le Monde de Fernando, tu nous emmènes sur une Terre post-apocalyptique où les humains, ou du moins des clones d’humains, vivent depuis des siècles sous la surface de la planète. En même temps, tu t’attardes assez peu sur la vie en sous-sol et exception faite de judicieuses remarques au sujet du « Programme », ton récit présente surtout la reconquête du Monde par Fernando et ses compagnons. Peux-tu nous en dire plus sur la genèse de ce roman, tes motivations ? Est-ce que cette histoire germait de longue date dans ta tête ?

Cette histoire a germé quand j’étais en train de faire la sieste dans mon jardin et que je constatais qu’une taupe commençait à s’y installer. J’ai essayé, l’esprit embrumé à moitié endormi, d’imaginer ce qu’il y avait en dessous. Et c’est comme ça que ça a débuté. Après, les personnages, que je pensais au départ cantonner sous terre, se sont mis à vivre leur propre vie et, apparemment, ils ne voulaient pas trop y rester et je les ai suivis à la surface. Je ne plaisante pas ça c’est vraiment passé comme ça. C’est un vrai feuilleton où j’ai décrit au fur et à mesure les aventures des personnages qui vivaient dans ma tête. A raison de quatre heures par jour environ, de 5 à 7 le matin (je suis un lève très tôt et de mauvaise humeur, alors j’adore ces heures où le reste du monde dort et me laisse tranquille !) et de 5 à 7 l’après-midi, à l’apéro (bourbon ou malt l’hiver, casa ou autre pastaga l’été, merci), mais ça a été très lent, un à deux paragraphes à l’heure, une page par jour les bons jours ! On peut appeler ça un accouchement difficile mais en fait pas du tout, c’était toujours un vrai plaisir que de finir un chapitre ou un épisode. Bon, évidemment, une fois fini - oui, c’est un feuilleton avec une vraie fin, c’est un peu dommage mais c’est comme ça, c’est pas une série télé - j’ai relu et re-relu x fois pour éliminer les incohérences, des personnages ou des passages que je trouvais inutiles, et tenter d’améliorer la lisibilité. En résumé, je n’ai pas « travaillé » comme il faudrait le faire selon les règles des ateliers d’écriture (un truc dont j’ai découvert l’existence il y a quelques mois), je n’ai pas du tout scénarisé à l’avance, j’ai tout faux de ce point de vue et donc, logiquement, Le Monde de Fernando ne sera jamais un best-seller, et ne plaira sans doute pas aux éditeurs et autres décideurs du milieu littéraire (dont j’ignore tout, comme j’ai déjà dû le dire, je ne connais que le milieu « scientifique »).
Mais bon, je ne sais pas si je réponds vraiment à tes questions. C’est quand même mon cerveau qui a fait ça et on y retrouve, sans prise de tête j’espère, mes idées sur les rapports humains et la vie en général. Certains trouvent que c’est « soixante-huitard » ou « baba-cool ». Normal ! C’est ma jeunesse et une très belle période de ma vie, et peut-être aussi du reste du Monde.

Si, si ! Tu réponds tout à fait à mes questions. Avec des réponses ouvertes, comme je les aime et comme la sexualité de tes personnages puisque tu évoques l’époque du Flower Power et de la libération sexuelle. Justement, en tant que généticien passionné d’évolution, crois-tu que la fécondation inter-espèces soit possible ?

J’en suis sûr, et j’ai des preuves ! Mais c’est une vraie question sérieuse pour un généticien, puisqu’on définit classiquement les espèces par l’interfécondité de ses membres et l’impossibilité de faire des hybrides fertiles avec ceux d’une autre espèce (tu sais que des espèces proches comme le cheval et l’âne ou le lion et le tigre peuvent faire des hybrides, mais ils sont stériles). Chez les plantes on va plus loin : je travaille actuellement sur le colza qui est un hybride fertile entre le chou et une sorte de navet. L’astuce des plantes (il y a plein d’autres espèces fabriquées comme ça, dont le blé) c’est qu’elles utilisent la polyploïdie. Je doute que les yonautes aient envie d’un cours de bio mais bon, faisons simple : au lieu de faire un hybride diploïde à partir d’un spermatozoïde haploïde et d’un ovule haploïde, les plantes peuvent faire des hybrides tétraploïdes à partir de gamètes diploïdes, ils sont alors fertiles. Dans le bouquin, j’ai poussé le bouchon plus loin en imaginant que c’était possible entre mammifères pas très proches. Une impossibilité biologique aujourd’hui, mais j’écris de la SF, je te rappelle, en tout cas j’essaie...

Quels sont les œuvres et auteurs qui t’ont inspirés, tes goûts, ton univers ?

Je te propose une liste non exhaustive, évidemment, surtout avec une mémoire défaillante de vieux quinqua qui n’a pas trop fait attention à ses neurones.
Alors, en SF, ceux que je préfère : les classiques de l’âge d’or qui ont bercé mon enfance Sturgeon, Asimov, Van Vogt, Heinlein, Lovecraft, Hamilton (mais j’ai essayé de relire du Van Vogt il y a peu, « Le colosse anarchique » et je n’ai pas pu ! Malgré tout, je garde un souvenir ému du monde du non-a et de sa suite). Après il y a les toujours classiques un peu moins vieux mais plus intellectuels comme Silverberg, Dick, Brunner, Leiber, Vance, Zelazny, Farmer, Le Guin. Tout ça c’était ce que je lisais avant de fonder une famille et de bosser (fin des 70). J’ai beaucoup moins lu après et surtout les auteurs que j’aimais déjà, je connais donc très mal tout ce qui s’est écrit en SF depuis les années 80 mais je vais essayer de rattraper mon retard.
En fantasy, à part Tolkien (je l’ai lu quand c’est sorti en français chez Christian Bourgeois en 72-73), j’ai découvert Eddings que j’ai beaucoup aimé, et d’autres dont je ne parlerai pas qui écrivent tous la même chose sur des milliers de pages.
Entre les deux, en science-fantasy, si c’est bien comme ça que ça s’appelle, je suis un fan de Pern de MacCaffrey et j’avoue prendre plaisir à lire les histoires de Ténébreuse de Zimmer Bradley. Bon, oui c’est vrai que ces deux dernières vieilles dames font beaucoup dans le romantique un peu culcul la praline, mais tout le monde a son côté fleur bleue, non ?
En fantastique, les classiques encore, Bram Stoker, Mary Shelley mais aussi les Français du 19ème siècle Dumas, Villiers de l’Isle Adam, Nerval,... et Borgès bien sûr, et je dois citer le plus beau livre que je connaisse sur la lycanthropie, c’est « Plus noir que vous ne pensez » de Jack Williamson.
En polars j’aime ceux qui font un peu dans l’ethno comme Uppfield et Hillerman ou dans l’humour, et les vieilles dames (encore !) anglaises. Je n’aime pas les trucs durs, noirs et sordides.
En littérature « blanche » ou « mainstream » je ne sais pas comment on dit j’ai adoré Beaudelaire, Rimbaud, Kessel, Conrad, Stevenson, et plus récemment le Pennac des « Mallaussène ». On peut mélanger cette liste et celle plus haut de « fantastique », bien sûr.
Pour le cinoche, j’ai fréquenté presque tous les soirs la cinémathèque vers mes 18-20 ans et j’ai vu beaucoup de films surtout américains des années 40-50-60, westerns, comédies musicales, polars et même les rares SF et fantastiques de l’époque. Depuis je picore à la télé, chez les loueurs ou chez mon fils. J’ai toujours de l’intérêt ou de la curiosité mais plus vraiment de passion.
Pour les séries télé, le must reste le « Twin Peaks » de David Lynch et j’ai été fan des « X-files ». Je cite encore une découverte récente pour moi : « Doctor Who »
Enfin pour la bédé j’adore Franquin, Tilleux, Morris (toute mon enfance, j’étais Spirouiste, pas Tintiniste) et, plus vieux j’ai découvert Forest, Tardi, Pratt, que des pointures, quoi !
Pour la zique je suis très classique aussi (décidément, quel vieil emmerdeur !) Mozart, Beethoven, Beatles, Stones, et le blues sous toutes ses formes depuis le delta du Mississipi jusqu’à Chicago et même Londres ! Mes préférés restent Howling Wolf et Muddy Waters, j’aime beaucoup Clapton et j’adore JJ Cale.

Quels sont tes projets immédiats ?

La suite de « Fernando », « Les Hybrides », devrait sortir en mars. J’offre à la Yozone en exclusivité mondiale la couverture.

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Toujours dessinée par mon ami Thiriet, un grand de la BD d’humour, injustement méconnu, qui a fait aussi des dessins à l’intérieur. Bon, la sortie de ce deuxième bouquin va m’occuper un peu. Pour l’écriture, j’étais resté un peu en stand-by, en attente des réactions sur « Les Souterriens ». Il n’y a pas eu des tonnes de « retours », mais, parmi les toujours trop rares lecteurs, il y en a qui apprécient et que ça amuse. Ça m’encourage et j’ai déjà plusieurs débuts d’histoires- en fait quatre, encore un scoop mondial-, mais le déclic ne s’est pas encore fait pour que le film démarre vraiment dans ma tête à partir de l’un ou l’autre de ces possibles, y compris la réécriture de « Loup Gris », ou une uchronie dans Le Monde de Fernando. J’attends. « Ya pas l’feu au lac ! », comme on dit au bord du Léman. Et merci la Yozone pour cette promotion sur un bouquin qui n’a d’autre prétention que de distraire et de faire sourire.

Et qui y arrive très bien ! Tu parlais précédemment du style peu académique et du ton « soixante-huitard » de ton bouquin. Alors je voulais te dire que justement cette approche, en rupture avec la noirceur et le techno-blah-blah de la production actuelle, possède beaucoup de charmes. La lecture est aisée, tes personnages attachants et les aventures de tes protagonistes tout à fait réjouissantes.

INTERNET

Le site de l’auteur : http://www.noosfere.org/thiellement/


Bruno Paul
2 février 2006


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Hervé Thiellement en plein travail



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L’auteur avant la sieste



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Semsem, le compagnon poilu fait son accrobate



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Promenade dans les bois



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Le Monde de Hervé Thiellement



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Quelques vieux amis



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